" "
Posted by - support -
on - Wed at 9:45 AM -
Filed in - Society -
-
12 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
La nouvelle de la candidature de Alassane Ouattara, bien qu’attendue, divise. Entre soulagement résigné et inquiétude latente, la population s’interroge : la Côte d’Ivoire s’engage-t-elle dans une transition douce vers une succession maîtrisée, ou dans un engrenage institutionnel où l’élection devient une formalité ? À moins de trois mois du scrutin, la principale inconnue reste la réaction des électeurs : dans un jeu fermé, sans véritable pluralisme, le verdict des urnes sera-t-il une légitimation ou une contestation muette de l’ordre établi ?
Hier mardi 29 juillet 2025, dans une allocution télévisée retransmise en direct sur les réseaux sociaux, le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara a mis fin au suspense. À 83 ans, il annonce officiellement sa candidature pour un quatrième mandat à la tête du pays, à l’élection présidentielle fixée au 25 octobre prochain. Une décision attendue depuis que le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), son parti, l’avait investi le 21 juin, malgré les spéculations sur une possible alternance au sein du pouvoir.
Au pays, toujours marqué par les violences post-électorales de 2020 et les blessures de deux décennies de crises politico-militaires, cette annonce a renforcé le clivage. Pour les partisans du chef de l’État, Ouattara demeure un gage de stabilité. Ils saluent son expérience, son autorité et sa capacité à maintenir le cap d’un pays en développement. L’argument central du RHDP reste l’absence de successeur crédible : aucun ténor du parti ne semble aujourd’hui à même de reprendre le flambeau sans fracturer l’unité fragile de la coalition au pouvoir.
Le pari de la stabilité face aux incertitudes régionales
En effet, depuis 2011, ses partisans le créditent de progrès économiques notables, d’infrastructures modernisées et d’un rôle de rempart face aux risques de déstabilisation régionale. Consciente de la fragilité sécuritaire qui gangrène ses voisins du nord, la Côte d’Ivoire a renforcé ces dernières années son dispositif de lutte contre les groupes djihadistes, notamment dans ses régions frontalières avec le Burkina Faso et le Mali. Depuis les attaques meurtrières de 2016 à Grand-Bassam, puis celles dans le nord du pays entre 2020 et 2022, les autorités ivoiriennes ont revu leur stratégie. Une ceinture sécuritaire baptisée “Opération frontière étanche” mobilise désormais l’armée, la gendarmerie et des unités spéciales, dans le district des Savanes. Le pays bénéficie également d’une coopération étroite avec la France, les États-Unis et les partenaires du G5 Sahel, bien que ce dernier soit affaibli par les retraits successifs des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES).
La Côte d’Ivoire se tient aussi à bonne distance des régimes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, désormais unis dans l’AES. Tout en prônant le dialogue diplomatique, Abidjan s’aligne clairement sur la CEDEAO et son exigence de retour à l’ordre constitutionnel. Cette prudence n’exclut pas une préparation active : modernisation de l’armée, renseignement renforcé, contrôle accru des zones rurales, mais aussi travail de prévention auprès des populations à risque. L’enjeu est double : contenir l’infiltration djihadiste tout en évitant un isolement diplomatique dans une région en recomposition
Une opposition empêchée et éclatée
A l’opposé, de larges pans de l’opinion dénoncent une dérive autoritaire. Pour ses détracteurs, cette nouvelle candidature s’inscrit dans une stratégie de confiscation du pouvoir. Déjà contestée en 2020, sa réélection s’était faite dans un climat tendu, sur fond de boycott, de violences meurtrières, et d’exclusion de figures emblématiques comme Laurent Gbagbo ou Guillaume Soro. La réforme constitutionnelle de 2016, qui a permis à Ouattara de remettre le compteur des mandats à zéro, est perçue par nombre d’observateurs comme une manœuvre juridico-politique destinée à prolonger indéfiniment son règne.
Les critiques fusent également sur le terrain démocratique. Le paysage électoral semble verrouillé : plusieurs potentiels adversaires sont absents ou marginalisés et l’état de l’opposition interroge à l’approche de la présidentielle du 25 octobre 2025. L’ancien président Laurent Gbagbo, malgré son retour en Côte d’Ivoire et la création de son parti, le PPA-CI, reste empêché d’agir politiquement. Radié des listes électorales lors de précédents scrutins, il fait toujours face à une condamnation nationale à 20 ans de prison dans l’affaire dite du « casse de la BCEAO », qui entrave sa capacité à se présenter. Même si ses partisans restent mobilisés, son poids électoral paraît amoindri par le temps, les défections internes et une stratégie d’apaisement qui le rend moins combatif qu’auparavant.
Charles Blé Goudé, ancien leader de la jeunesse pro-Gbagbo, peine à reconstruire une stature nationale. Acquitté par la CPI, il a retrouvé Abidjan mais reste marginalisé, sans grand appareil politique, et surtout sans accès aux médias d’État. Quant à Guillaume Soro, l’ancien chef rebelle devenu président de l’Assemblée nationale puis opposant radical, il reste en exil, frappé par des condamnations pour atteinte à la sûreté de l’État. De sa base du nord, autrefois fidèle, il ne subsiste que quelques noyaux épars.
Autre figure : Tidjane Thiam. Pressenti comme l’espoir du PDCI, il incarne une opposition technocratique, rassurante pour les milieux économiques et une partie de la jeunesse. Mais les obstacles administratifs et juridiques s’accumulent. Il n’a toujours pas pu faire valider sa candidature, officiellement pour cause d’irrégularités dans ses dossiers, mais officieusement, ses ambitions semblent déranger le pouvoir en place.
Dans la journée d’hier le Comité des droits de l’homme de l’ONU a invité l’État ivoirien à garantir l’exercice des droits politiques de Tidjane Thiam, notamment sa participation à l’élection présidentielle de 2025, conformément à l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette invitation, bien que ne constituant pas une décision sur le fond de l’affaire, marque une étape importante dans l’examen de la requête introduite par l’ancien banquier international et son avocat y voit une reconnaissance claire de la nécessité de garantir ses droits civiques. En réaction, une grande marche est prévue le samedi 2 août 2025 à Abidjan, à l’appel du Front commun, pour soutenir la démocratie et la paix.
Aussitôt à la suite du président Ouattara, dans une déclaration ferme, Guillaume Soro a dénoncé sa candidature à un quatrième mandat, qu’il qualifie d’illégal et antidémocratique. Il accuse le président ivoirien de piétiner la Constitution pour s’accrocher au pouvoir, au mépris de la paix sociale et de la stabilité du pays. Pour Soro, le simulacre de suspense entourant cette annonce n’a trompé personne. Il appelle les Ivoiriens à défendre, dans la légalité, la démocratie et la liberté face à une dérive autoritaire assumée.
Face à ces opposants empêchés ou éparpillés, les candidatures alternatives manquent de visibilité. Les partis historiques sont divisés, les coalitions d’opposition n’ont pas réussi à s’entendre sur un candidat unique, et le climat de peur alimenté par les arrestations de militants, la surveillance numérique et la judiciarisation de l’activisme, limite fortement l’espace démocratique.
Scrutin sans suspens ?
Cette situation nourrit une inquiétude croissante : celle d’un scrutin sans véritable choix. Ouattara se présente alors non plus comme un président en quête de légitimité nouvelle, mais comme l’unique option dans un champ politique neutralisé.
Dans ce contexte, plusieurs analystes redoutent un scénario électoral comparable à celui de 2020. L’absence d’une opposition crédible et active, l’impression d’un scrutin biaisé dès le départ, et la tension sociale alimentée par les frustrations démocratiques créent un terrain propice à la contestation. Si certains Ivoiriens voient en Ouattara un recours pragmatique face au vide de leadership dans les camps adverses, d’autres y lisent une mise sous tutelle durable du processus démocratique.
HENRIETTE NIANG KANDE
L’article Election présidentielle en Côte d’ivoire- candidature d’Alassane Dramane Ouattara : un quatrième mandat face à des opposants affaiblis ou écartés est apparu en premier sur Sud Quotidien.