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Pilier des exportations et des recettes publiques, le secteur minier sénégalais peine pourtant à peser pleinement sur le budget national, en particulier via les dividendes. Pour répondre à cet enjeu de souveraineté économique, l’État lance une nouvelle stratégie de gestion des participations publiques, visant à mieux mobiliser les ressources internes dans un contexte de redressement financier.
En 2023, le secteur extractif sénégalais a consolidé sa place de levier essentiel de l’économie nationale, contribuant à hauteur de 4,72 % au produit intérieur brut (PIB), représentant 31,89 % des exportations et 9,4 % des recettes publiques, selon le rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). Néanmoins, ces indicateurs macroéconomiques positifs contrastent fortement avec le faible impact du secteur sur l’emploi, où il ne génère que 0,16 % des postes, soulignant ainsi les limites de sa capacité de redistribution directe vers l’économie réelle. En dépit de cette position stratégique, la valorisation financière des participations publiques dans le secteur demeure en-deçà de son potentiel. A noter que les entreprises minières opérant au Sénégal sont soumises à une série de prélèvements fiscaux et parafiscaux, structurés autour de trois principales catégories à savoir les impôts directs et indirects (Impôt sur les Sociétés, Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), droits de douane) ; la redevance minière, calculée sur la base de la valeur des produits extraits ; l’Impôt sur le Revenu des Valeurs Mobilières (IRVM), appliqué sur les dividendes versés aux actionnaires, y compris l’État.
Un potentiel sous-exploité et une faible valorisation des dividendes publics
L’examen des flux financiers générés par ces contributions révèle une constante préoccupante : les dividendes perçus par l’État constituent la source de revenu la moins exploitée. Selon le rapport ITIE 2023, ces dividendes ne représentent que 8 % des recettes issues du secteur extractif. Ce rendement limité s’explique principalement par la faible détention de parts publiques dans le capital des sociétés minières et l’absence, jusqu’à récemment, d’une politique actionnariale volontariste et structurée.
Dans cette optique, la mise en œuvre d’un cadre d’intervention publique dynamique et cohérent devient impérative. Il s’agit, pour les autorités, d’optimiser la valorisation des participations publiques, de maximiser les flux de dividendes et de renforcer la position de l’État en tant qu’actionnaire stratégique dans la gouvernance des entreprises minières.
Une stratégie encadrée par les exigences de l’OHADA
Le présent rapport s’inscrit dans cette dynamique, conformément aux dispositions de l’article 140 de l’Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, qui impose la tenue des Assemblées générales ordinaires des sociétés anonymes dans un délai de six mois après la clôture de l’exercice, afin d’approuver les états financiers et de statuer sur l’affectation des résultats. L’objectif de ce rapport est double : établir un diagnostic actualisé de la mobilisation des dividendes pour l’exercice 2024 et formuler des recommandations stratégiques visant à renforcer la performance de la gestion des participations publiques.
État des dividendes sur la période 2021–2024 : des résultats en-deçà des potentialités
La distribution des dividendes étant conditionnée par l’approbation des états financiers en Assemblée générale, la politique de distribution adoptée par les entreprises détermine directement les flux perçus par l’État actionnaire. De plus, la perception de l’IRVM reste intrinsèquement liée à ces distributions effectives, ce qui impacte mécaniquement les recettes fiscales issues du secteur.
Sur la période 2021–2024, les dividendes versés à l’État ont affiché une moyenne annuelle de 18,326 milliards FCFA, traduisant une sous-performance notoire au regard des capacités du secteur. La répartition par exercice selon le rapport de l’ITIE se décline comme suit : 2021 : 3,82 milliards FCFA ; 2022 : 16,55 milliards FCFA ; 2023 : 29,772 milliards FCFA ; 2024 : 23,165 milliards FCFA. Ces chiffres illustrent l’urgence de repenser la gouvernance des participations de l’État afin d’accroître significativement la rentabilité des actifs miniers publics.
Exercice 2025 : les premiers fruits d’une stratégie de redressement
L’exercice 2025 marque un tournant décisif, avec une hausse notable des dividendes perçus par l’État, qui atteignent 41,425 milliards FCFA. Ce bond, représentant une augmentation de 126 % par rapport à la moyenne des quatre années précédentes, atteste de la pertinence des mesures de redressement entreprises en matière de gestion des participations publiques.
Cette dynamique vertueuse s’accompagne d’une progression parallèle des recettes issues de l’IRVM, qui s’élèvent à 29,532 milliards FCFA, portant ainsi le cumul des recettes générées par la distribution des dividendes à 70,957 milliards FCFA. Cette évolution témoigne d’une capacité renforcée de l’État à optimiser la rentabilité de ses actifs miniers, à condition de poursuivre une gouvernance rigoureuse et une politique actionnariale proactive.
Vers une gouvernance renforcée pour une souveraineté économique consolidée
La consolidation de la gouvernance des participations publiques dans le secteur extractif s’impose comme un levier stratégique incontournable pour la souveraineté économique du Sénégal. L’instauration d’une politique actionnariale claire, fondée sur une coordination institutionnelle efficiente et un suivi rigoureux des performances, apparaît comme la clé de voûte d’une valorisation optimale des ressources minières nationales.
À travers cette démarche, l’État sénégalais sera en mesure de renforcer durablement ses capacités budgétaires, tout en veillant à une redistribution plus équitable des richesses au profit de la collectivité nationale. Cette stratégie, articulée autour de la mobilisation efficiente des ressources endogènes, s’inscrit pleinement dans une perspective de redressement économique durable et d’affirmation de la souveraineté financière nationale.
JEAN PIERRE MALOU
L’article Gouvernance stratégique des ressources extractives : l’État sénégalais à la reconquête de ses dividendes est apparu en premier sur Sud Quotidien.