" "
Posted by - support -
on - Thu at 4:30 PM -
Filed in - Society -
-
6 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a accueilli une conférence exceptionnelle animée par le professeur Bonaventura de Sousa Santos, sociologue et juriste de renommée mondiale, autour du thème «L’Afrique dans le temps du monde, une lecture des épistémologies du sud». C’est dans le cadre de la troisième édition des Doctoriales ETHOS axées sur le thème «L’Afrique face aux défis contemporains» qui de déroule au centre de conférence UCAD II, du mercredi 23 au vendredi 25 juillet 2025.
L’événement, modéré par le professeur Souleymane Gomis de l’UCAD, sociologue, a rassemblé un public nombreux composé d’universitaires, de chercheurs et d’étudiants venus écouter l’un des plus éminents penseurs critiques de notre temps.
Dès les premiers mots, le Pr Gomis a dressé un portrait impressionnant de l’invité, saluant en lui un «Baobab des épistémologies du Sud», une figure majeure des sciences sociales, dont les travaux sur la mondialisation, la sociologie du droit, les mouvements sociaux et la justice cognitive ont profondément marqué la recherche contemporaine.
Dans une intervention dense et engagée, Bonaventura de Sousa Santos a plaidé pour un renversement du regard académique et politique sur le monde. Selon lui, l’indépendance des pays africains reste incomplète : «partielle», a-t-il précisé, car cantonnée à la sphère politique, sans autonomie véritable sur les plans économique, culturel et surtout épistémique. Pour le sociologue, les élites des pays anciennement colonisés sont restées piégées dans un modèle de pensée dominé par la science eurocentrique, au détriment des savoirs endogènes.
« Il n’y a pas de justice sociale globale sans justice épistémique globale », a-t-il martelé, appelant à une reconnaissance active des « épistémologies du Sud » : ces formes de connaissance locales, ancestrales, vernaculaires, souvent marginalisées, mais porteuses d’alternatives concrètes. Pour lui, il est urgent de réformer les systèmes éducatifs et universitaires afin qu’ils valorisent ces savoirs, en les mettant en dialogue avec les sciences modernes.
Le professeur portugais a également alerté sur les impasses des modèles de développement fondés sur l’accumulation capitaliste, la domination technologique et l’exploitation des ressources. À ses yeux, la crise écologique, les menaces de guerre nucléaire ou encore les inégalités croissantes prouvent l’échec du paradigme dominant. Il a défendu la mise en œuvre de nouvelles « écologies du savoir », articulant rationalité scientifique et raisonnabilité éthique, pour formuler des solutions plus adaptées aux contextes africains.
En conclusion, Bonaventura de Sousa Santos a invité la communauté académique et politique africaine à « désarmer le piège épistémique » et à concevoir un projet de société enraciné dans ses propres ressources intellectuelles, culturelles et sociales, tout en s’ouvrant à un dialogue global fondé sur le respect et la réciprocité.
Cette conférence, saluée par les participants, a été un moment fort de réflexion sur l’avenir intellectuel du continent et sur les conditions d’une véritable émancipation africaine, tant sur le plan du savoir que sur celui du devenir social
Lamine DIEDHIOU
L’article «L’Afrique dans le temps du monde, une lecture des épistémologies du sud» : la leçon magistrale du Pr Bonaventura De Sousa Santos : «Les élites ont négligé les savoirs endogènes» est apparu en premier sur Sud Quotidien.