Cette équipe dirigeante multiculturelle reflète la diversité régionale : aux côtés du président sénégalais, le bureau exécutif comprend Denis Dawende (Burkina Faso) comme vice-président, Mathias Waleba (Ghana) au secrétariat général, Djêbou Clément Enongninhan (Bénin) comme secrétaire général adjoint, et Grahon Marie Jeanne Degni épouse Alaba (Côte d’Ivoire) à la trésorerie. Neuf secrétariats spécifiques complètent la structure, couvrant les domaines stratégiques comme la citoyenneté, le dialogue interreligieux, la formation spirituelle et la promotion de la paix.
Une reconnaissance historique aux accents synodaux
Cette reconnaissance, inédite en dix-sept ans d’existence du CRLAO, revêt une portée particulière dans le contexte post-synodal. “C’est la première fois, depuis la création du CRLAO en 2008, qu’un tel document est signé par la plus haute autorité du CERAO”, souligne Philippe Tine, visiblement ému par cette avancée institutionnelle.
L’université sénégalaise, également président du Conseil national de la laïcat de son pays, y voit “un pas en avant dans la promotion de la laïcat surtout dans un contexte de mise en application des recommandations du synode sur la synodalité”. Une lecture qui fait écho aux orientations du Synode sur la synodalité, achevée en octobre 2024, qui appelait à une plus grande reconnaissance et responsabilité des laïcs dans l’Église.
Un processus mûrement réfléchi
Contrairement aux apparences, cette reconnaissance n’a pas souffert de lenteurs administratives. L’écart de huit mois entre l’élection du bureau en novembre 2024 à Abidjan et la signature officielle s’explique par une démarche volontaire du nouveau bureau. “Dans sa recherche de stratégies pour mieux valoriser le laïcat et lui conférer une certaine reconnaissance et davantage de crédibilité”, l’équipe dirigeante avait sollicité cette formalisation officielle, explique Philippe Tine.
Cette initiative a retenu le soutien décisif du Père Vincent de Paul Boro, assistant ecclésiastique du CRLAO et Secrétaire général adjoint du CERAO. “Le document a été signé sans tarder”, précise le nouveau président, qui salue “la grande sollicitude” du prêtre et “sa bonne compréhension et sa mise en application de la synodalité”.
Un accompagnement pastoral qui se poursuivra puisque “le bureau du CRLAO se réunira sous peu au Bénin pour finaliser son plan d’action. Ce sera autour de Mgr François Xavier Gnonhossou, Évêque de Dassa-Zoumé au Bénin et Président de la commission Laïcat, famille et vie des CERAO. Nous le remercions pour sa constante sollicitude de pasteur”, annonce Philippe Tine.
Une gouvernance collégiale et représentative
La composition du nouveau bureau illustre la volonté d’une gouvernance véritablement ouest-africaine. Outre les cinq membres du bureau exécutif, neuf secrétariats spécifiques structurent l’action du CRLAO selon des thématiques prioritaires : Théodore Aristide Malgoubri (Burkina Faso) pilote les Communautés Ecclésiales de Base et mouvements, Martins Braimah (Nigeria) s’occupe de la citoyenneté, Jean Michel Kevin Coly (Sénégal) du dialogue interreligieux, Ernest Yao Bi (Côte d’Ivoire) de la formation et spiritualité, John Tandoh (Ghana) de la promotion de la culture de la paix et de la réconciliation, Alain Hounyo (Bénin) de la promotion de la famille chrétienne, Jean de Dieu Dembélé (Mali) des relations publiques, et Laurent Aimable Leno (Guinée-Conakry) des vocations.
Cette architecture organisationnelle témoigne d’une vision stratégique qui dépasse la simple représentation géographique pour embrasser les défis pastoraux de la région.
Un laïcat ouest-africain à structurer
La reconnaissance officielle intervient à un moment charnière pour le laïcat catholique de cette région de 400 millions d’habitants. Philippe Tine dresse un constat lucide : “Le laïcat de l’Afrique de l’Ouest est plein d’enthousiasme et de dynamisme”, mais “il gagnerait à être mieux structuré, plus valorisé et plus responsable”.
Les chiffres illustrent ce défi organisationnel : seuls huit pays sur les seize que compte la région disposant d’un conseil national du laïcat fonctionnel, dont six francophones et deux anglophones. L’intégration des pays lusophones constitue “un défi de taille” pour le nouveau bureau, dont le mandat court jusqu’en 2028.
Trois priorités stratégiques
Face à ces enjeux, Philippe Tine a défini trois axes prioritaires pour son mandat. Tout d’abord, l’installation de conseils nationaux du laïcat dans les pays qui en sont encore dépourvus, condition sine qua non d’une structuration régionale cohérente.
Deuxièmement, la formation des leaders laïcs, notamment des jeunes et des femmes. Le bureau a déjà obtenu “un financement sur trois ans pour renforcer les capacités”, fruit des efforts du Père Vincent de Paul Boro. Cette priorité répond à un besoin criant dans une région où la formation des laïcs reste inégale selon les Églises particulières.
Troisièmement, le positionnement du laïcat ouest-africain comme acteur de paix. “Positionner le laïcat de l’Afrique de l’Ouest comme acteur dans la gestion et résolution des conflits multiformes qui minent notre sous-région” constitue un défi ambitieux mais nécessaire dans un contexte régional marqué par l’instabilité.
Malgré cette reconnaissance, des obstacles subsistent. Philippe Tine pointe du doigt “certaines Églises particulières où les responsables ecclésiastiques n’ont pas suffisamment intégré la notion de co-responsabilité dans leur approche pastorale”. Un constat qui révèle la persistance d’une ecclésiologie cléricale dans certains contextes.
Cette situation contraste avec l’engagement de Monseigneur Touabli, dont “la présence lors de l’assemblée générale tenue en novembre a été une preuve de son attachement sans réserve à l’idéal d’une Église plus synodale”, selon le président du CRLAO.
Un appel à la conversion pastorale
Au-delà des structures, Philippe Tine lance un double appel. Aux fidèles laïcs d’abord : “Chaque fidèle laïc doit travailler à mieux redécouvrir son identité de baptisé et ses qualités comme Sel de la terre et Lumière du monde”. Un discours qui s’inscrit l’enseignement du Concile Vatican II sur la vocation universelle à la sainteté.
Aux pasteurs ensuite, il rappelle que “former, valoriser et responsabiliser les laïcs est une garantie de succès pastoral et de promesse d’une évangélisation avec plus de profondeur et qui atteint plus de personnes”. Une invitation à dépasser les réticences pour embrasser pleinement l’ecclésiologie synodale.
Cette reconnaissance s’inscrit dans une dynamique plus large de maturation du catholicisme ouest-africain. Avec 45% de la population régionale, l’Église catholique constitue une force spirituelle et sociale majeure. La structuration de son laïcat pourrait contribuer significativement aux défis de développement et de consolidation démocratique de la région.
L’initiative du CRLAO trouve également écho dans les orientations du Synode continental africain de 2023, qui avait souligné l’importance de la formation et de la responsabilité des laïcs pour une évangélisation inculturée et efficace.
“Travaillons à ancienne une nouvelle génération de disciples-missionnaires”, exhorte Philippe Tine. Cette vision s’enracine dans la conviction que « la compréhension de l’identité chrétienne produit, à coup sûr, un enthousiasme de communion de participation et de mission ».
La reconnaissance officielle du CRLAO pourrait catalyser cette dynamique en donnant “au laïcat, à tous les niveaux (sous régional, national, diocésain, décanal etc.) un nouveau souffle et des énergies nouvelles pour une présence chrétienne plus authentique et un témoignage plus conforme à l’évangile”.