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La Côte d’Ivoire s’apprête à vivre une élection présidentielle, prévue le 25 octobre 2025. Dans un contexte politique tendu, où le traumatisme des blessures du passé reste vif, l’ombre de l’intelligence artificielle (IA) plane sur le processus électoral. Entre efficacité technique et dérives possibles, l’IA pourrait transformer durablement la manière dont les Ivoiriens voteront et ce, pour le meilleur ou pour le pire.
UN CONTEXTE POLITIQUE SOUS TENSION
Le paysage politique ivoirien reste marqué par la violence électorale de 2020, qui a coûté la vie à plusieurs milliers de personnes. La question de la transparence électorale est reste centrale. En octobre 2024, seuls 8 millions de citoyens étaient inscrits sur les listes électorales, alors que le pays compte plus de 12,5 millions de personnes en âge de voter vivent dans le pays. L’opposition, emmenée notamment par Laurent Gbagbo et une coalition de partis, réclament un audit du fichier électoral. L’exclusion controversée de certains candidats, comme Tidjane Thiam, accentue les tensions.
L’IA : UN OUTIL POUR AMELIORER LA TRANSPARENCE, L’EFFICACITE ET L’EQUITE
Dans le processus électoral, l’intelligence artificielle pourrait offrir des solutions concrètes à plusieurs défis. D’abord, dans l’organisation même du vote. Des systèmes comme le Bimodal Voter Accreditation System utilisé au Nigeria, permettent une vérification biométrique plus rapide et fiable. Couplés avec des outils de traitement d’image, ils peuvent automatiser le dépouillement des bulletins, limitant les erreurs humaines et les suspicions de fraude.
Autre application prometteuse : l’information des électeurs. Des chatbots diffusés sur WhatsApp, déjà en usage dans certains pays d’Afrique de l’Est, pourraient rappeler aux électeurs leurs bureaux de vote et les étapes du scrutin. Un moyen efficace de toucher une jeunesse urbaine connectée, souvent éloignée des canaux d’information traditionnels.
Enfin, l’IA permet une veille active sur les réseaux sociaux. Dans un pays où les plateformes comme TikTok ou Facebook jouent un rôle croissant dans l’opinion publique, ces outils peuvent détecter rapidement les fausses informations, les campagnes de désinformation ou les tentatives de manipulation. C’est dans cet esprit qu’une campagne gouvernementale « Stop aux sorciers numériques» a été lancée, qui témoigne d’une prise de conscience réelle de ces enjeux.
DES MENACES A PRENDRE EN COMPTE
Mais, les avantages de l’IA s’accompagnent de risques majeurs. Le premier est celui de la désinformation automatisée. Les deepfakes (vidéos truquées générées par IA), circulent déjà dans le pays. Elles peuvent facilement semer le doute ou attiser les tensions communautaires.
Autre danger, le micro-ciblage politique. Grâce à la collecte massive de données, il est désormais possible de diffuser des messages électoraux très personnalisés, adaptés aux croyances, aux peurs ou aux attentes de chaque individu. Une forme de propagande insidieuse, difficile à repérer, et qui peut profondément biaiser le choix des électeurs.
Les biais algorithmiques représentent également une menace. Si les bases de données utilisées pour entraîner les IA sont incomplètes ou partiales, les systèmes reproduisent et aggravent ces inégalités. Les régions rurales, moins connectées, risquent d’être exclues des bénéfices technologiques. Sans encadrement strict, l’IA peut donc renforcer les déséquilibres existants au lieu de les corriger.
Enfin, l’opacité même des algorithmes risque de miner la confiance dans le vote. Si les électeurs ne comprennent pas comment une IA influence le scrutin, ils peuvent se détourner des urnes. L’efficacité technique ne suffit pas ; il faut aussi garantir la transparence et la traçabilité des outils utilisés.
UNE GOUVERNANCE RESPONSABLE, UNE CONDITION INDISPENSABLE
Face à ces enjeux, plusieurs pistes de régulation peuvent être envisagées. La Côte d’Ivoire gagnerait à établir un cadre légal clair encadrant l’usage de l’IA en période électorale. Il s’agirait notamment d’imposer l’étiquetage des contenus générés par IA, de limiter le micro-ciblage, et de prévoir des sanctions en cas d’abus.
Les partis politiques pourraient, eux aussi, adopter des chartes éthiques. Une utilisation responsable de l’IA devient une condition de leur crédibilité. Sans cela, la tentation d’exploiter la technologie à des fins partisanes pourrait fragiliser l’ensemble du processus démocratique.
La Commission électorale indépendante (CEI), de son côté, devra se doter de compétences techniques solides. La présence d’experts en cybersécurité, en analyse de données et en détection de fausses informations est désormais indispensable. L’appui d’organisations régionales comme la CEDEAO peut également renforcer la crédibilité du scrutin.
Enfin, la sensibilisation de la population est un levier essentiel. Les campagnes d’éducation civique doivent désormais intégrer la question de l’IA. Il ne suffit plus d’expliquer comment voter ; il faut aussi apprendre à reconnaître un faux contenu, à vérifier une source, à comprendre le rôle d’un algorithme. Cette mission implique les écoles, les médias, les ONG, et même les plateformes numériques.
UNE TECHNOLOGIE AMBIVALENTE
L’intelligence artificielle, dans le contexte ivoirien, n’est ni un remède miracle, ni une menace inévitable. Elle peut améliorer l’organisation du vote, rendre le processus plus fluide et plus transparent. Mais, elle peut aussi devenir un vecteur de manipulation, d’exclusion ou de méfiance, si elle est mal utilisée.
Tout dépendra du cadre dans lequel elle est introduite. Transparence des algorithmes, règles claires sur la désinformation, supervision éthique, renforcement des institutions, formation du public. Ce sont les conditions minimales pour faire de l’IA un levier d’intégrité électorale, et non une arme contre la démocratie.
Dans une Afrique où le numérique avance à grands pas, la Côte d’Ivoire pourrait ainsi, devenir un laboratoire politique à observer de près. Le défi est immense, mais il est à la hauteur des espoirs que suscite encore le vote, comme dernier espace de souveraineté populaire.
Alioune BA
Spécialiste en Ethique de l’IA
L’article Processus électoral en côte d’ivoire : l’IA, un allié des urnes est apparu en premier sur Sud Quotidien.