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Juriste-consultant et président de l’organisation « Justice sans frontière », Me El Amath Thiam apporte son éclairage sur le droit de réquisition. Dans cet entretien, ce spécialiste du droit revient sur les fondements et la portée juridique de cette mesure, récemment invoquée par le ministre de la Justice. Ce dernier a en effet demandé aux chefs de parquet et de juridiction de recourir à la réquisition à l’encontre des greffiers, afin d’assurer la continuité du service public de la justice, actuellement paralysé par un mouvement de grève
C’est le droit à la réquisition et quelle la portée juridique de cette mesure ?
Le droit à la réquisition est une prérogative reconnue à l’administration de procéder, en cas de besoin, à la réquisition de travailleurs d’entreprises privées ainsi que d’établissements publics assurant des missions indispensables à la continuité et au maintien de l’ordre public, à la sécurité des biens et des personnes ainsi qu’à la satisfaction des besoins d’intérêt public. La loi permet ainsi à l’autorité de détenir dans l’intérêt général un pouvoir essentiel qui apparaît comme une “sortie de secours” lorsque les voies de règlement prévues dans le cadre notamment des différends collectifs de travail n’ont pas abouti aux solutions recherchées. Ce droit de réquisition est prévu par l’article 7 du Statut général des fonctionnaires ainsi que l’article L-276 du code du travail. Mais c’est le décret n° 72-017 du 11 janvier 1972 qui énumère la liste des postes, emplois et fonctions concernés.
Et que dit cet article L-276 du code du travail
L’article L-276 dispose du code du travail : « L’autorité administrative compétente peut, à tout moment, procéder à la réquisition de ceux des travailleurs des entreprises privées et des services et établissements publics qui occupent des emplois indispensables à la continuité des services publics, ou à la satisfaction des besoins essentiels de la nation ».
Quelles sont les conditions et modalités d’une réquisition
Les conditions et les modalités de la réquisition sont fixées par l’autorité compétente en fonction des travailleurs qui occupent les emplois figurant sur la liste prévue par le décret. La notification est faite en règle générale à la personne par ordre de service signé soit par l’autorité administrative compétente, soit par l’employeur ou son représentant. Toutefois, la notification ou l’information peut être faite : Par une publication au Journal Officiel ; Par une diffusion radiophonique ; Par affichage sur les lieux de travail. Dans tous les cas, le décret pourra requérir collectivement et anonymement les travailleurs occupant tout ou partie des emplois prévus par le décret n° 72-017 du 11 janvier 1972.
Y-a-t-il une différence entre une réquisition destinée aux travailleurs des entreprises privées et des services et établissements publics
Dans le secteur public, le domaine de la réquisition couvre des emplois publics des établissements publics, des sociétés d’économie mixte et des entreprises privées, les emplois publics, les emplois publics concernent l’administration générale et les collectivités locales, les établissements publics et sociétés d’économie mixte ;
Et dans le secteur privé, il s’agit de la production d’énergie (raffinage et électricité), de la production d’eau, sucreries et meuneries, ateliers et chantiers maritimes, transports aériens, extraction minière, sociétés de distribution de pétrole, sociétés de nettoiement.
Le champ d’intervention de la réquisition est vaste. Il semble même quasiment illimité. C’est pourquoi d’ailleurs des critiques ont souvent été adressées à cette prérogative administrative. La principale est que le droit de réquisition, eu égard à son domaine très étendu ainsi qu’à la facilité avec laquelle l’autorité administrative peut procéder à son déclenchement, est susceptible de contribuer à anéantir le droit syndical et en particulier le droit de grève comme disait le feu professeur Joseph Issa-Sayegh le pionnier du Droit Social au Sénégal qui se demandait : « Est-ce le droit de grève existe au Sénégal » ? Mais il revient à l’autorité administrative d’user du droit de la réquisition au mieux des intérêts en présence : l’intérêt public et l’intérêt des travailleurs et employeurs.
La décision de réquisition ne viole-t-elle pas le droit de grève et les principes de la liberté syndicale ?
En apportant des restrictions au droit de certains travailleurs et fonctionnaires, les pouvoirs publics entendent probablement se prémunir contre les actions susceptibles de remettre en cause l’ordre public, le bon fonctionnement des services publics essentiels de l’Etat. Il s’agit là d’un objectif qui se justifie mais qui reste souvent critiqué.
Toute solution peut apparaître arbitraire. Ainsi, d’un pays à un autre, ces solutions ont différé. Le législateur sénégalais a interdit à certaines catégories de fonctionnaires toute forme de concertations en vue de cesser le travail. C’est ce qui justifie que dans les grands corps de l’Etat, les fonctionnaires se regroupent dans des associations appelées « Amicales » pour défendre des intérêts professionnels.
Réalisé par Nando Cabral Gomis
L’article Réquisition et droit de grève : Me El Amath Thiam éclaire le débat juridique est apparu en premier sur Sud Quotidien.