Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
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Depuis sa naissance à la fin du XIXe siècle, le cinéma s’est imposé comme l’un des arts les plus influents du monde moderne. À la fois spectacle populaire, miroir de l’histoire, langage universel et outil de réflexion critique, il occupe une place unique dans nos sociétés.
Dans un contexte mondial marqué par la multiplication des crises – guerres, changements climatiques, migrations massives, inégalités sociales, révolution numérique et essor de l’intelligence artificielle – une question fondamentale se pose : le cinéma peut-il encore incarner une conscience critique pour l’humanité, en promouvant des valeurs universelles telles que la justice, la liberté, la beauté et la dignité ? Ou bien son histoire et son présent sont-ils davantage marqués par une instrumentalisation au service des pouvoirs dominants, qu’ils soient économiques, politiques ou idéologiques ?
Comme l’a rappelé André Bazin : « Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs » (Qu’est-ce que le cinéma ? 1958). Mais au XXI siècle, le cinéma ne se limite plus à un espace d’imaginaire, il est aussi une force de mémoire, de résistance et de critique des dérives du monde politique. Le cinéma reste ainsi un lieu de résistance face aux injustices, un espace où la mémoire des opprimés peut se faire entendre et où la vérité des événements peut, parfois, se soustraire aux manipulations des récits officiels.
L’histoire filmée : mémoire et dénonciation
Depuis Les Raisins de la colère (The Grapes of Wrath, John Ford, 1940), adaptation du roman de John Steinbeck, jusqu’aux récits contemporains sur les crises palestiniennes, comme 5 Caméras brisées (5 Broken Cameras, Emad Burnat et Guy Davidi, 2011) ou Gaza mon amour (Arab et Tarzan Nasser, 2020), le cinéma s’est toujours affirmé comme un témoin des injustices sociales et des bouleversements historiques. La caméra devient une archive vivante des drames collectifs et des luttes populaires, capturant les événements avec une puissance émotionnelle et une portée symbolique que seuls les films peuvent offrir.
Hannah Arendt écrivait dans La Condition de l’homme moderne (1958) : « Raconter est une forme d’action politique ». Filmer la misère, la guerre ou l’exil ne se réduit pas à un geste artistique : c’est un acte politique, un moyen de donner une voix aux sans-voix et d’inscrire la mémoire des opprimés dans l’histoire universelle. À travers des récits poignants, le cinéma invite les spectateurs à repenser leur rapport à l’injustice et à l’indifférence collective.
Dans ce cadre, des films comme Shoah (Claude Lanzmann, 1985) et Fahrenheit 9/11 (Michael Moore, 2004) incarnent parfaitement cette fonction de mémoire et de dénonciation. Le cinéma documentaire, en particulier, devient un outil de contestation et de citoyenneté. Il permet de remettre en question la version officielle des événements, en offrant une perspective alternative, souvent plus intime et plus bouleversante.
Le rôle du documentaire
Le cinéma documentaire joue un rôle majeur dans cette quête de vérité et de mémoire. Des œuvres comme Fahrenheit 9/11 de Moore, qui critique la politique étrangère des États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, ont été des déclencheurs de réflexions sociales et politiques sur des événements souvent minimisés ou manipulés. Ces films sont non seulement des témoins de l’histoire, mais aussi des armes de contestation qui donnent voix aux marginalisés par les récits dominants.
Le cinéma documentaire, à travers sa quête d’authenticité, crée un espace de vérité face aux manipulations médiatiques et politiques. Comme le souligne Edgar Morin dans Le cinéma ou l’homme imaginaire (1956) : « Le cinéma est à la fois industrie et mythe, marchandise et langage».
Cette dualité explique son rôle ambivalent : soumis aux logiques commerciales, il reste pourtant porteur d’une fonction critique et poétique. Le documentaire, par son ancrage dans la réalité, ouvre un espace où la fiction et la réalité se croisent, où l’action sociale et la réflexion personnelle s’entrelacent.
Entre industrie et langage
Edgar Morin affirmait dans Le cinéma ou l’homme imaginaire (1956) : « Le cinéma est à la fois industrie et mythe, marchandise et langage ». Cette dualité du cinéma, à la fois produit de masse soumis à des logiques commerciales et forme artistique porteuse de sens profond, explique son rôle ambivalent.
D’un côté, le cinéma se trouve souvent au service des grandes industries culturelles, produisant des films conçus pour plaire à un large public. De l’autre, il conserve sa capacité à incarner une fonction critique, à dénoncer les injustices et à susciter la réflexion.
Le cinéma a toujours été influencé par les exigences commerciales, surtout à Hollywood, où les studios imposent des récits standardisés. Toutefois, dans ce même espace dominé par la logique du profit, émergent des œuvres critiques, parfois subversives, qui défient l’ordre établi. Ces films sont l’expression de cette tension permanente entre l’industrie et l’art, entre la recherche du divertissement et la quête de sens et de puissance du beau noble purement humain.
La fiction comme espace de réflexion
La fiction cinématographique permet de mettre en scène des conflits humains et sociaux complexes. Des films comme Parasite (Bong Joon-ho, 2019), qui dépeint les inégalités économiques en Corée du Sud, ou Les Misérables (Ladj Ly, 2019), qui explore les tensions sociales dans les banlieues françaises, montrent comment le cinéma peut révéler la violence invisible du monde contemporain. À travers des récits fictifs, le cinéma offre un espace de réflexion sur des enjeux cruciaux, tout en atteignant un large public.
Bong Joon-ho, dans Parasite, réussit à rendre visibles les fractures sociales et économiques qui minent les sociétés modernes. À travers la mise en scène d’un conflit de classes, le film ne se contente pas de divertir, il pousse à une réflexion profonde sur la place de chacun dans la hiérarchie sociale. Le cinéma, ici, agit comme une lentille à travers laquelle le spectateur peut voir la réalité sous un angle diffèrent, éveillant ainsi une conscience critique sur les inégalités qui structurent le monde.
Le climat et l’écologie
La crise environnementale est devenue l’une des préoccupations majeures du cinéma contemporain. Des films comme Une vérité qui dérange (Davis Guggenheim, 2006) ont contribué à populariser les enjeux climatiques et à sensibiliser le grand public à la nécessité de repenser nos modèles économiques et culturels. Naomi Klein, dans This Changes Everything (2014), a souligné que « la crise climatique nous oblige à revoir les structures existantes de nos modèles économiques et culturels ». Le cinéma, à travers des documentaires et des fictions, a joué un rôle majeur dans la diffusion de cette prise de conscience.
Le cinéma écologique ne se limite pas à la dénonciation, il incarne aussi une pédagogie des images, visant à éveiller les consciences. Des films comme Demain (Cyril Dion et Mélanie Laurent, 2015) proposent des solutions alternatives aux dérives du modèle capitaliste, en mettant en lumière des initiatives locales pour un avenir plus durable et équitable.
Les migrations et l’exil
Les migrations et l’exil sont des thèmes centraux du cinéma contemporain. Des films comme Mediterranea (Jonas Carpignano, 2015) ou Welcome (Philippe Lioret, 2009) humanisent les tragédies migratoires, en montrant le parcours de ceux qui fuient la guerre et la pauvreté pour chercher une vie meilleure en Europe. Ces films témoignent de l’importance de représenter la dignité des migrants et de rendre visibles leurs souffrances et leurs luttes.
Paul Ricoeur, dans Temps et récit (1983), écrivait : « Raconter l’histoire d’autrui, c’est reconnaître sa dignité ». Ces films incarnent cette idée en offrant aux migrants une voix et une place dans le récit global, tout en interpellant le spectateur sur la nécessité de l’accueil et de la solidarité.
L’intelligence artificielle et la technologie
La science-fiction, quant à elle, a toujours anticipé les mutations technologiques et les conséquences qui peuvent en découler. De Metropolis (Fritz Lang, 1927) à Her (Spike Jonze, 2013), les films se sont interrogés sur les rapports entre l’humain et la machine. Yuval Noah Harari, dans « 21 Lessons for the 21st Century » (2018), note : « Qui contrôle les algorithmes aujourd’hui contrôlera le futur ».
Le cinéma explore donc, par le biais de la science-fiction, les dangers liés à l’intelligence artificielle et aux nouvelles technologies, tout en interrogeant notre rapport à la machine et aux mutations sociales qu’elles induisent.
Le poids des logiques commerciales
L’industrie hollywoodienne impose des récits standardisés qui tendent à uniformiser les imaginaires. Pourtant, même au cœur de ce système émergent des œuvres critiques qui contestent l’ordre établi. Ces films, parfois en dehors des circuits commerciaux traditionnels, continuent de poser des questions essentielles sur la nature et la valeur de la place qu’occupe l’individu dans la société moderne.
L’invention esthétique comme résistance
Comme l’écrivait Gilles Deleuze dans L’image-temps (1985) : « Le cinéma pense par images et sons, il ne reproduit pas, il invente ». Le cinéma garde sa capacité d’invention, même au cœur de la mondialisation. Cette capacité à créer de nouvelles formes d’expression visuelle et narrative lui permet de rester un espace de résistance à l’uniformisation et à la marchandisation de l’art.
Le cinéma comme miroir des sociétés
Le cinéma arabe et marocain a souvent été traversé par des tensions entre tradition et modernité, mémoire et identité, mais il a aussi su s’ouvrir aux valeurs universelles.
Au Maroc, des films comme Alyam Alyam (Ahmed Maanouni, 1978) ou Badis (Mohamed Abderrahmane Tazi, 1980) ont incarné une réflexion sur l’exil, la justice sociale et la mémoire collective. En Palestine, La Mémoire fertile (Mai Masri, 1980) donne voix aux femmes et inscrit leur résistance dans une perspective universelle de dignité et de liberté.
Ces films ne donnent pas de réponses définitives, mais posent des questions essentielles
– Comment représenter l’injustice sans tomber dans la propagande ?
– Comment concilier identité culturelle et universalité des valeurs humaines?
– Comment préserver une autonomie esthétique face aux logiques commerciales mondiales ?
Ces interrogations, loin d’affaiblir le cinéma arabe et marocain, en font une force critique et créative à l’échelle universelle.
Dans un monde fragmenté et en crise, le cinéma demeure un espace de mémoire, de critique et d’universalité. Il ne peut ni arrêter les guerres ni résoudre la crise climatique, mais il contribue à construire une conscience commune. Comme le disait cinéaste japonais Akira Kurosawa : « Les êtres humains peuvent être capables d’une grande horreur, mais à travers les films, je veux croire qu’ils peuvent aussi être capables d’une grande humanité. » (Entretiens, 1990).
Le cinéma, qu’il soit mondial, arabe ou marocain, reste donc un art essentiel : un langage universel qui relie les hommes autour des valeurs de justice, de liberté, de beauté et de droits humains.
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