Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
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Une étude inédite menée par quatre chercheurs de l’Université Ibn Tofail de Kénitra révèle un paradoxe dérangeant. Au Maroc, la corruption stimulerait les ventes locales des entreprises, tout en freinant leur capacité à s’imposer à l’international. Ce constat, établi à partir d’une base de données de 554 entreprises marocaines sondées dans le cadre de l’Enquête Entreprise de la Banque mondiale, soulève de sérieuses questions sur l’état de la gouvernance économique du pays.
Intitulée « Corruption et dynamiques entrepreneuriales au Maroc : preuves issues de l’Enquête Entreprise de la Banque mondiale », l’étude montre comment les pots-de-vin, loin d’être un simple obstacle, façonnent profondément les stratégies des entreprises marocaines. L’analyse statistique rigoureuse, fondée sur la méthode du Propensity Score Matching (PSM), met en lumière un double effet de la corruption : positif sur les ventes domestiques, mais négatif sur les exportations.
Première donnée marquante : 30 % des entreprises marocaines ont déclaré avoir été confrontées à une demande de pot-de-vin dans au moins une interaction avec les administrations publiques (impôts, permis, inspections, etc.). Un taux bien supérieur à la moyenne régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (17 %), et qui place le Maroc dans une position peu enviable au sein des pays à revenu intermédiaire inférieur.
L’étude rappelle que la corruption est perçue comme le deuxième plus grand obstacle à l’activité des entreprises, après le secteur informel. 16 % des sociétés interrogées la considèrent comme un frein majeur à leur développement. À titre de comparaison, cette perception est beaucoup moins répandue dans les pays voisins.
Le cœur de l’étude réside dans l’analyse des effets de la corruption sur deux indicateurs clés de performance : les ventes domestiques et l’intensité des exportations. Et les résultats sont pour le moins surprenants. Selon la méthode du « plus proche voisin« , les entreprises confrontées à la corruption enregistrent une hausse moyenne de 9,1 % de leurs ventes sur le marché local. Une tendance confirmée par la méthode « kernel« , qui indique une augmentation de 4,4 %.
« Ces chiffres traduisent une forme d’adaptation stratégique des entreprises à un environnement institutionnel instable, où les procédures administratives sont complexes et lentes », expliquent les auteurs. Dans un tel contexte, verser des pots-de-vin devient pour certains entrepreneurs une manière d’accélérer l’obtention d’autorisations, de contourner les lenteurs bureaucratiques ou d’obtenir des faveurs commerciales.
Cette réalité donne du crédit à l’hypothèse dite du « greasing the wheels » – lubrifier les rouages –, selon laquelle, dans des environnements corrompus, les pots-de-vin peuvent paradoxalement fluidifier certaines opérations économiques, souligne l’étude.
Mais cette efficacité apparente a un revers lourd de conséquences. La corruption entrave les ambitions internationales des entreprises marocaines. D’après l’étude, les sociétés confrontées à la corruption voient leur intensité d’exportation chuter de 9 % (selon la méthode du plus proche voisin) ou de 4,4 % (selon la méthode kernel). Un manque à gagner considérable dans un pays qui cherche à renforcer sa présence sur les marchés extérieurs.
Les chercheurs y voient un effet de la surcharge administrative et des coûts supplémentaires engendrés par la corruption dans les circuits d’exportation. Contrairement au marché local, où les pots-de-vin peuvent parfois faciliter les choses, les procédures d’export sont soumises à des règles internationales, à une documentation stricte et à un contrôle plus rigoureux. Dans ce contexte, la corruption devient un facteur de désavantage compétitif soulignent les auteurs.
« La corruption dans les services douaniers, les retards dans l’obtention des documents de conformité, et les incertitudes juridiques pèsent lourd sur la compétitivité des entreprises exportatrices », souligne l’étude. Résultat : plutôt que de s’ouvrir à l’international, de nombreuses entreprises marocaines se replient sur le marché intérieur, jugé plus prévisible malgré la corruption.
L’analyse va plus loin en identifiant les profils d’entreprises les plus vulnérables. Trois facteurs se démarquent : l’expérience du dirigeant, la région d’implantation, et l’engagement en R&D.
Ainsi, chaque année d’expérience supplémentaire du top manager augmente de 0,79 % la probabilité qu’il considère la corruption comme un obstacle. Les dirigeants chevronnés, plus familiers des arcanes administratives, sont donc plus enclins à identifier ces pratiques illicites. De même, les entreprises investissant en recherche et développement sont 26 % plus susceptibles d’être exposées à la corruption, probablement en raison de leurs interactions plus fréquentes avec les administrations.
Enfin, la localisation joue un rôle. Selon l’étude, certaines régions, mieux gouvernées, offrent des conditions plus favorables aux affaires, avec un niveau de corruption perçu comme légèrement inférieur (−3,4 %, bien que faiblement significatif).
Face à ces constats, les auteurs appellent à des réformes urgentes notamment renforcer les institutions, améliorer l’accès au financement des PME, et surtout, adopter des politiques anticorruption ciblées, notamment dans les secteurs clés de l’export.
Mais ils insistent également sur une dimension souvent négligée : l’éthique. « La normalisation des pratiques informelles mine la confiance du public, fragilise la concurrence loyale et détériore la culture entrepreneuriale », avertissent-ils. Ils plaident ainsi pour l’instauration de standards éthiques dans la gouvernance d’entreprise, à travers des mécanismes de responsabilité sociale et de transparence.
The post Corruption au Maroc : Un frein à l’export, mais un “coup de pouce” aux ventes locales appeared first on Hespress Français - Actualités du Maroc.
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