Une enquête récente du quotidien italien Corriere della Sera jette une lumière crue sur une réalité aussi inquiétante que tragique. Il s’agit des réseaux criminels organisés exploitent des mineurs et de jeunes hommes originaires de la ville marocaine de Béni Mellal dans des opérations de trafic de drogue menées au cœur des forêts du Parco delle Groane, au nord de Milan.
Le rapport révèle des faits alarmants, évoquant les contours d’un véritable « système d’esclavage moderne », mis en place avec une redoutable rigueur organisationnelle.
Tout commence à Béni Mellal, ville marocaine en proie à de profondes difficultés socio-économiques. Recrutés dans des quartiers minés par la pauvreté, le décrochage scolaire et la marginalisation, ces jeunes sont ciblés par les réseaux criminels qui prennent en charge l’ensemble de leur parcours migratoire. Leur exfiltration vers l’Europe s’effectue par la fameuse « route espagnole », considérée comme la voie la plus rapide et la plus empruntée par ces filières illicites pour rejoindre l’Italie.
Une fois arrivés sur le sol italien, détaille l’enquête, les jeunes recrues sont installées dans des bâtiments abandonnés ou dans des fermes rurales sommairement réhabilitées, situées généralement en lisière des zones boisées. Ces lieux sont mis à disposition ou loués par des complices partageant les mêmes origines maghrébines. Ils sont transformés en véritables centres logistiques où s’organisent le stockage des stupéfiants et les ventes quotidiennes dans la forêt.
Le quotidien italien précise que ces jeunes vivent dans une réclusion totale : ils n’ont pas le droit de quitter leur lieu d’hébergement, pas même pour se procurer des produits essentiels ou s’accorder une brève sortie. Cette assignation à résidence vise à empêcher toute apparition en public, tout contact avec le voisinage ou les forces de l’ordre, afin de préserver la clandestinité du réseau et de dissimuler l’identité de ses acteurs.
L’enquête ajoute que chaque jeune est contraint de transporter, dans un petit sac, une quantité prédéterminée de drogue. Chaque jour, il doit rendre des comptes précis aux responsables de la filière. Et gare à celui dont les chiffres ne sont pas à la hauteur : une dose manquante ou un euro absent entraîne des représailles brutales, incluant des violences physiques et des actes de torture, sans qu’aucune défense ne soit possible.
Toujours selon Corriere della Sera, la protection de la marchandise devient pour ces jeunes une question de survie. Armés de machettes, ils n’hésitent pas à faire usage de violence, même à l’encontre des forces de l’ordre. Certains vont jusqu’à mordre pour semer la peur et faire croire qu’ils pourraient être porteurs de maladies infectieuses, dans une tentative désespérée de dissuasion.
Face à cette criminalité profondément enracinée dans les forêts lombardes, les autorités italiennes ont déployé des unités spécialisées de la gendarmerie. En première ligne, l’unité d’élite des Cacciatori a mis au point des méthodes d’intervention spécifiques, incluant des ratissages nocturnes et une surveillance constante des cachettes des trafiquants. L’enquête met également en avant le rôle actif du bataillon de gendarmerie basé à Rho, près de Milan, qui s’est appuyé sur des dispositifs d’écoutes sur le terrain pour remonter les filières d’approvisionnement et cartographier les réseaux de distribution.
Mais malgré ces efforts sécuritaires intensifiés, le quotidien italien alerte sur un point tout aussi préoccupant : l’absence notable de mobilisation des autres composantes de la société civile et des institutions sociales, censées jouer un rôle fondamental dans la prévention, l’éducation et la sensibilisation. Une carence d’autant plus dramatique que le phénomène, en constante progression, conjugue l’exploitation des mineurs, la traite des êtres humains, la violence structurée et le commerce illégal de drogue.
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