Lors de son premier mandat à la tête des Etats-Unis, Donald Trump avait tenu des propos insultants à l'égard de plusieurs Etats africains, provoquant un tollé en Afrique. Que signifie son retour imminent à la Maison Blanche pour le continent?
Même si certains discours de M. Trump ont laissé un souvenir désagréable, beaucoup d'experts estiment que son retour ne changera rien aux relations entre l'Afrique et les Etats-Unis, voire même qu'il créerait des opportunités pour certaines nations.
Le continent est depuis longtemps largement ignoré par les dirigeants américains et la plupart du temps au mieux considéré comme un pion dans des luttes d'influences géopolitiques entre Washington et des pays comme la Chine ou la Russie.
Le président sortant Joe Biden ne s'est pas encore rendu en Afrique lors de son mandat; son déplacement initialement prévu en octobre en Angola a été reprogrammé pour décembre.
De leur côté, de nombreux dirigeants africains font preuve de leur agacement face au paternalisme occidental, et pourraient voir d'un meilleur oeil l'approche plus strictement commerciale de Donald Trump.
Si la Maison Blanche sous l’ère Trump refuse de travailler avec les Etats africains dont il a qualifié certains de "pays de merde" au cours de son premier mandat, les options de partenariats bilatéraux ne manquent plus sur le continent.
La Chine y investit dans les infrastructures tout en sécurisant son accès à d'importants minerais, la Russie fournit des mercenaires à plusieurs régimes, et les États du Golfe ainsi que la Turquie gagnent en influence.
"S'il veut travailler avec l'Afrique en tant qu'ami de l'Afrique, nous l'accueillerons et travaillerons avec lui", a déclaré à l’AFP Raila Odinga, ancien Premier ministre du Kenya et candidat à la présidence de la Commission de l'Union africaine en février 2025, à propos du retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
"S'il ne veut pas travailler avec l'Afrique (...), l'Afrique a d'autres amis", a-t-il ajouté.
- Guerre commerciale ? -
Donald Trump est ouvertement hostile aux organismes multilatéraux tels que l'ONU et l'Union africaine, et favorise la conclusion d'accords bilatéraux afin d'asseoir l'influence américaine sur le continent.
Il a notamment affirmé vouloir imposer des droits de douane pour les importations africaines aux Etats-Unis, ce qui pourrait mettre un terme aux accords de l'African Growth and Opportunity Act (AGOA) dont le renouvellement est prévu l'année prochaine.
L'AGOA, lancé en 2000, exonère de taxes douanières un certain nombre de produits en provenance de 32 pays d'Afrique sub-saharienne.
Si l'AGOA venait à disparaître, de nombreux exportateurs africains en pâtiraient sévèrement mais cela aurait surtout pour conséquence d'intensifier la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, de nombreuses capitales africaines n'hésitant pas à jouer sur les deux tableaux pour obtenir des avantages côté chinois comme côté américain.
Et bien que Joe Biden ne se soit pas encore rendu en Afrique, les Etats-Unis ont encore récemment affirmé leur souhait d'investir plus sur le continent, comme pour la construction d'une voie ferrée dans le corridor de Lobito qui reliera les mines de Zambie et de la République démocratique du Congo à la façade maritime angolaise.
Selon Mukhisa Kituyi, un homme politique kényan qui a été secrétaire général de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, l'Afrique n'a aucun intérêt à prendre parti entre Washington et ses rivaux.
"Pourquoi les gens diraient +Empêchez la Chine de se développer en Afrique+ ? Qui veut que les États-Unis se développent en Afrique ?", a-t-il déclaré à l’AFP.
"Ce n'est pas le problème de l'Afrique si les Etats-Unis se sentent ralentis par la Chine", a-t-il insisté, suggérant aux États-Unis de s'aligner sur les niveaux d'investissement chinois sur le continent.
Dans une note publiée la semaine dernière par Capital Economics, une société londonienne d'analyse économique,l'économiste David Omojomolo a prévenu que le protectionnisme de Trump conduirait à un renforcement du dollar qui pourrait rendre encore plus difficile l'accès aux marchés financiers mondiaux pour certaines économies africaines, dont les monnaies sont faibles.
- L'isolement des États-Unis ? -
Washington ne bénéficie plus de la même aura que par le passé auprès des pays africains.
Le gouvernement sud-africain a exprimé sa stupéfaction lorsque le principal parti d'opposition a suggéré de faire venir des observateurs américains lors des élections générales en mai dernier.
Il a fait remarquer que jamais, au cours des 30 ans de démocratie du pays, un candidat n'avait rejeté le résultat d'une élection ni les partisans d'un parti pris d'assaut le parlement, comme l'ont fait ceux de Donald Trump lorsqu'il a perdu le scrutin de 2020 face à M. Biden.
Un certain nombre de nations africaines ont également applaudi Pretoria lorsqu'elle a saisi la Cour internationale de justice à La Haye pour accuser Israël de génocide à l'encontre des populations palestiniennes de la bande de Gaza.
Une démarche déjà condamnée par les Etats-Unis de Joe Biden et qui ne trouvera aucun écho auprès de la nouvelle administration Trump, celui-ci ayant affirmé qu'il renforcerait l'aide américaine à Israël.
Alors que la multipolarisation de la géopolitique mondiale se poursuit, de nouvelles organisations non-occidentales se renforcent, comme le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui a intégré récemment l'Iran, l'Ethiopie, les Emirats arabes unis et l'Egypte.
De sorte que la victoire de M. Trump pourrait contribuer à pousser les pays africains dans les bras des rivaux de l'Occident.