La hausse des températures accroît directement l’inflation des prix alimentaires dans 34 pays africains, dont le Maroc, ont révélé trois chercheurs marocains. Leur étude met également en lumière le rôle déterminant des politiques commerciales et monétaires dans l’atténuation, ou l’aggravation, de ce phénomène.
L’impact du changement climatique ne se limite pas aux catastrophes naturelles. Il affecte aussi, de façon plus insidieuse, les prix des denrées alimentaires. C’est ce que démontre une étude récente menée par trois chercheurs marocains du Laboratoire d’économie appliquée (LEA) de l’Université Mohammed V de Rabat. Publiée dans l’International Journal of Energy Economics and Policy « EconJournals », l’enquête analyse l’évolution de l’inflation alimentaire dans 34 pays africains entre 2001 et 2022.
Les auteurs, Mohammed Saou, Taha Namri et Idriss El Abbassi, concluent que la hausse des températures constitue un facteur significatif d’augmentation de l’inflation alimentaire. Les précipitations, en revanche, présentent un effet positif sur la disponibilité des denrées, mais sans impact statistiquement probant sur l’évolution des prix.
Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs se sont appuyés sur la méthode économétrique du System Generalized Method of Moments (System GMM), particulièrement adaptée à l’étude de données dynamiques sur plusieurs pays et périodes.
L’étude s’intéresse aussi au rôle des politiques économiques dans la maîtrise de l’inflation alimentaire. Elles précisent que les politiques commerciales favorisant l’importation de produits alimentaires permettent de contenir l’impact du climat sur les prix, tandis que les politiques monétaires orientant le crédit vers le secteur agricole tendent à accentuer la hausse des prix en période de réchauffement.
Autrement dit, l’ouverture commerciale peut jouer un rôle tampon face aux chocs climatiques, tandis qu’un soutien monétaire mal calibré risque de renforcer la vulnérabilité des marchés alimentaires.
L’étude souligne également d’importantes disparités régionales. En Afrique du Nord, les taux d’inflation générale se révèlent plus modérés que dans le reste du continent : 1,7% pour le Maroc, 4,4% pour l’Algérie, 4,3% pour la Tunisie et 10,1% pour l’Egypte.
Concernant l’inflation alimentaire, la région a réussi à maintenir une relative stabilité. L’efficacité des politiques de gestion des produits de base, notamment via les importations, explique cette résilience.
Selon l’analyse des effets marginaux, l’impact des politiques commerciales sur la réduction de l’inflation alimentaire s’est traduit par une baisse de 3,5% au Maroc, de 5,8% en Algérie, de 7,9% en Egypte et de 1,5% en Tunisie.
Toutefois, l’ouverture commerciale a ses limites. Dans un contexte de chocs climatiques globaux, les pays exportateurs sont souvent contraints de restreindre leurs ventes à l’étranger pour préserver leur sécurité alimentaire nationale. Cela crée des tensions supplémentaires pour les pays importateurs et démontre la fragilité des chaînes d’approvisionnement face à la crise climatique.
Les auteurs rappellent que ces politiques d’importation présentent néanmoins plusieurs avantages, dont la réduction des coûts de production locaux, la diversification des sources d’approvisionnement et la diminution des risques liés à l’offre en période de conditions climatiques défavorables.
Pour les chercheurs, les politiques monétaires devraient s’orienter davantage vers des objectifs de durabilité et de réduction des émissions de CO2, afin de limiter les effets à long terme du réchauffement climatique sur les systèmes économiques et alimentaires.
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