Souvent perçu comme un acteur de contrainte et de rigueur, le Fonds monétaire international n’est pas en odeur de sainteté dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord. Pourtant, derrière cette image persistante, le Fonds déploie une action plus diversifiée, mettant davantage l’accent sur l’accompagnement des politiques publiques, le dialogue et le renforcement des capacités.
Au Maroc comme dans de nombreux pays de la région, le FMI évoque spontanément des images de conditionnalité, de rigueur budgétaire et de pressions extérieures. Cette perception, ancrée dans l’opinion publique, s’est construite au fil des crises et des programmes d’ajustement. Réduire le FMI à un simple prescripteur de rigueur revient pourtant à ignorer l’essentiel de son travail dans la région.
Une part significative de son action se situe en amont des crises, dans le conseil économique, l’analyse macroéconomique et l’appui technique aux États, souvent loin des projecteurs. Cette approche est particulièrement visible dans les pays du MENAP (Moyen-Orient, Afrique du Nord et Pakistan), où le Fonds ne se limite pas aux programmes de financement mais agit aussi comme partenaire des administrations dans l’amélioration de leurs capacités, la modernisation de leurs cadres budgétaires et l’anticipation des risques économiques.
Les missions du FMI combinent ainsi des analyses quantitatives, des recommandations politiques et un dialogue continu avec les décideurs locaux, dans le but de rendre les réformes plus adaptées aux contextes nationaux et de renforcer la crédibilité des institutions. Cette dimension souvent méconnue invite à voir le Fonds sous un angle différent, celui d’un acteur de soutien et de conseil aux pays de la région.
Au-delà des prêts, une présence multiforme
L’intervention du FMI dans la région MENAP dépasse largement les programmes de financement, souvent mis en avant dans les médias et perçus comme imposant des conditions strictes aux États. Si ces programmes jouent un rôle important en période de déséquilibres macroéconomiques, ils ne représentent qu’une partie des activités du Fonds.
Le FMI déploie également une présence multiforme, intervenant comme conseiller économique auprès des gouvernements, fournissant analyses macroéconomiques, diagnostics sectoriels et recommandations adaptées aux réalités locales. Ces actions permettent d’éclairer les décisions économiques tout en respectant la souveraineté des États, ce qui rompt avec la perception d’une institution uniquement prescriptive.
Le Directeur du Bureau régional du FMI à Riyad, Abdoul Aziz Wane, explique à Hespress Fr : « nous privilégions le dialogue continu, fondé sur les l’expertise et la compréhension des circonstances locales, afin d’appuyer les pays dans leurs propres trajectoires de réforme », soulignant que l’accent est mis sur le dialogue et l’accompagnement plutôt que sur l’imposition de solutions standardisées.
Cette approche se traduit concrètement par des missions régulières, des réunions de travail avec les ministères et des échanges avec les banques centrales, permettant de construire une vision partagée des défis économiques. Dans certains pays, le FMI participe également à la coordination entre institutions régionales et locales, favorisant un échange de bonnes pratiques. Cette présence multiforme reflète la volonté de l’institution de se rendre utile non seulement en période de crise, mais aussi dans la prévention et l’anticipation des déséquilibres économiques, contribuant ainsi à la stabilité régionale et à la confiance des investisseurs et partenaires internationaux.
Renforcer les capacités plutôt qu’imposer des modèles
L’un des volets les plus structurants et pourtant les moins visibles de l’action du FMI dans la région MENAP est le renforcement des capacités institutionnelles. Cette dimension dépasse largement la simple assistance financière et touche tous les aspects de la gouvernance économique: modernisation des systèmes budgétaires, amélioration de la collecte statistique, renforcement de la politique monétaire et budgétaire, ainsi que formation des personnels administratifs et techniques.
Selon M. Wane, « notre ambition est de transférer des compétences durables à l’expertise locale parce que les réformes doivent vivre entre les mains des institutions nationales, seules capables de porter des transformations structurelles durables ».
Ces efforts visent à doter les États d’outils permettant de concevoir et mettre en œuvre leurs politiques économiques de façon autonome et durable. L’accent sur les capacités institutionnelles contribue à la stabilité macroéconomique, à la transparence et à la prévisibilité des décisions publiques, des conditions essentielles pour attirer les investissements et soutenir la croissance.
Les programmes de formation et d’assistance technique se déroulent sur plusieurs années et incluent l’accompagnement des équipes locales dans l’analyse des risques, la planification budgétaire et l’évaluation de la performance des politiques publiques. Cette approche illustre la volonté du FMI de sortir d’une relation purement verticale et prescriptive, pour devenir un partenaire de long terme capable de transférer son expertise et d’augmenter la résilience des institutions face aux chocs économiques, tout en respectant les priorités et les choix stratégiques de chaque pays.
MENAP : une région, des trajectoires économiques distinctes
Le FMI regroupe sous l’acronyme MENAP des pays très différents : Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan. Cette diversité implique que les recommandations et analyses doivent être finement adaptées à chaque contexte national. Abdoul Aziz Wane précise à cet égard que « notre rôle consiste aussi à offrir une plateforme d’échange, permettant aux pays d’apprendre les uns des autres plutôt que d’appliquer un modèle unique », insistant sur l’importance de ne pas appliquer un modèle unique à l’ensemble des pays.
La région comprend des économies exportatrices d’énergie, des États à revenu intermédiaire et des pays confrontés à des vulnérabilités structurelles importantes, chacun ayant des besoins et des priorités distinctes. Le FMI agit donc comme une plateforme d’échange et de comparaison, permettant aux pays de tirer des enseignements des expériences de leurs voisins et de développer des réformes adaptées.
Cette approche favorise une plus grande appropriation des recommandations par les autorités nationales, ce qui est essentiel pour leur efficacité. L’accent est mis sur l’adaptation des outils macroéconomiques, la planification budgétaire réaliste et la résilience face aux chocs externes, plutôt que sur une standardisation des politiques. Cette démarche contribue à créer une vision régionale plus cohérente tout en respectant les spécificités locales.
Changer le regard sur le FMI
Au-delà de la technique et de l’expertise, le FMI fait face à un défi majeur : celui de la perception publique. Dans une région souvent critique, il cherche à rendre son action plus transparente, compréhensible et utile pour les décideurs comme pour les citoyens. Workshops, dialogues académiques et échanges avec les acteurs institutionnels permettent de déconstruire l’image d’un Fonds uniquement austère et prescriptif, pour le présenter comme un partenaire technique engagé dans la durée.
Cette évolution stratégique vise à replacer le débat sur un terrain factuel et à renforcer la confiance envers les recommandations de l’institution. Elle montre que le FMI peut jouer un rôle positif dans le soutien à la stabilité, à la diversification économique et à la croissance inclusive, tout en respectant les souverainetés nationales et en adaptant ses approches aux contextes locaux.
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