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Depuis la chute de l’éphémère gouvernement de Michel Barnier, le seul nom qui dominait les pronostics était celui de François Bayrou. Tout indiquait que sa nomination coulait de source, voire d’une indiscutable évidence. Et pourtant jusqu’à à la dernière minute, les Français ont assisté à un feuilleton Hitchcockien, à des colères et des portes qui claquent et des rebondissements de dernières minutes entre le président, Emmanuel Macron et le nouveau locataire de Matignon, François Bayrou.
La presse française regorge de détails croustillants, sans doute distillés par l’équipe Bayrou sur les modalités de cette nomination. Avec des changements de stratégie entre la nuit et la matinée. Le scénario ressemble à un film à rebondissements. Emmanuel Macron appelle François Bayrou à 5h30 du matin pour lui faire part de sa décision de ne pas le choisir comme Premier ministre. Bayrou obtient un rendez-vous avec Macron à l’Elysée à 8h30. Au cours de cet entretien Macron tente de donner des lots de consolation à Bayrou qui non seulement les refuse mais menace le Président de retirer son groupe de députés de la majorité présidentielle s’il n’est pas choisi comme Premier ministre.
Emmanuel Macron opère une marche arrière et nomme Bayrou. Cette opération, divulguée à dessein dans la presse avec ses multiples détails, est un coup dur pour le président de la République à qui un allié politique vient de tordre le bras pour s’offrir le poste de Premier ministre. Elle pourrait augmenter par contre la crédibilité de Bayrou auprès de ses partenaires politiques de droite comme de gauche comme l’homme qui a réussi à arracher sa nomination plutôt que de la cueillir comme un cadeau du prince.
Entre Emmanuel Macron et François Bayrou, les relations ont toujours été empreintes d’une fascination réciproque. François Bayrou a été un des premiers hommes politiques, aux côtés de l’ancien ministre de l’intérieur Gérard Collomb, à croire en la bonne étoile de l’actuel président de la République. Avec son parti le Modem, il a participé à créer la colonne vertébrale idéologique de ce qu’on appelle le Macronisme.
Mais cette admiration de Bayrou à l’égard de Macron se confrontait aux limites de la réalité politique. Depuis le premier mandat de Macron, Bayrou était dans la salle d’attente pour le poste de Premier ministre. Bien avant le choix d’Édouard Phillipe, de Jean Castex, d’Elisabeth Borne, de Gabriel Attal ou de Michel Barnier.
A chaque changement de gouvernement, François Bayrou était présent. Candidat…à tel point qu’il commençait à incarner aux yeux des Français la personnalité de l’éternel Premier ministre non nommé. Aujourd’hui, c’est en se livrant à une opération de force avec un zeste de chantage qu’il a réussi à réaliser le rêve de sa vie, être le chef de gouvernement, lui l’incarnation parfaite du centre de la vie politique française.
Evidemment, François Bayrou aura à affronter le grand défi de durer dans son poste, lui qui comme Miche Barnier, ne dispose pas d’une majorité absolue au Parlement. Mais sa nomination a été accueillie dans de bonnes conditions qui peuvent augurer d’une forme de stabilité et de continuité plus longue que celle de Michel Barnier.
D’abord, le Rassemblement National de Marine Le Pen et de Jordane Bardella a fait savoir qu’il n’allait pas utiliser l’arme de la censure sauf si ce gouvernement dépasse certaines lignes rouges. Ensuite le Parti socialiste, une composante importante de nouveau Front de gauche, a mis en avant sa volonté de s’inscrire dans une posture de non-censurabilité. Et si on rajoute à ces nouveaux éléments deux promesses essentielles, une venue de la présidence de la République de ne pas dissoudre l’Assemblée Nationale jusqu’à la fin du second mandat, c’est à dire dans trente mois, et l’autre proposée par Bayrou lui-même de ne pas recourir au fameux 49.3 qui castre les parlementaires et les empêche de discuter et de voter …toute cette nouvelle atmosphère préfigure un gouvernement Bayrou qui peut bénéficier de plus de temps.
Encore faut-il former ce gouvernement. Mais cela est une autre affaire dans laquelle les deux têtes de l’exécutif, Macron et Bayrou, ont de fortes chances de se fritter …donner à leurs relations un parfum de cohabitation entre un jeune Président en fin de parcours et un vieux Premier ministre (73 ans) à qui tous les rêves, y compris présidentiels, sont désormais permis.
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