Sur la corniche de Tanger, une caméra a capturé ce que vivent quotidiennement de nombreuses femmes marocaines : le harcèlement de rue. Les quelques secondes de cette vidéo, devenue virale en quelques heures, ont suffi à remettre sur le devant de la scène une réalité que beaucoup préfèrent ignorer.
Les commentaires se sont multipliés par milliers sur les réseaux sociaux. Derrière chaque message indigné, on devine l’histoire personnelle de femmes qui se reconnaissent dans cette scène. « C’est ce que je vis tous les jours« , témoigne Aicha, étudiante à Tanger, qui préfère taire son nom de famille. « Sortir de chez moi, c’est parfois comme traverser un parcours du combattant« . Cette vidéo n’est pas qu’un simple fait divers. Elle cristallise les frustrations d’une génération de femmes qui refuse de baisser les yeux face au harcèlement. Les réactions massives traduisent une exaspération collective face à un phénomène qui gangrène le quotidien urbain.
La corniche de Tanger, avec sa vue imprenable sur le détroit de Gibraltar, symbolise l’ouverture et la modernité. Pourtant, pour certaines femmes, elle représente un territoire hostile où la simple promenade devient un acte de courage. « J’évite certains endroits, certaines heures« , confie Fatima, mère de famille. « Mes filles me demandent pourquoi, et je ne sais pas quoi leur répondre ».
Cette géographie de la peur n’est pas une fatalité. D’autres villes méditerranéennes ont réussi à transformer leurs espaces publics en lieux de vie partagés. Tanger peut y parvenir aussi, mais cela nécessite une prise de conscience collective et des actions concrètes.
Paradoxalement, cette vidéo censée dénoncer le harcèlement risque de victimiser une nouvelle fois la jeune femme concernée. Partagée sans son consentement, diffusée à des millions d’internautes, elle devient malgré elle le symbole d’une cause qu’elle n’a pas choisie de porter.
« La violence numérique prolonge la violence physique« , expliquent sur la toile des militantes pour les droits des femmes. « Nous devons apprendre à dénoncer sans exposer davantage les victimes« . Cette double victimisation interroge sur notre façon de sensibiliser sans nuire.
Dans les cafés de Tanger, les conversations vont bon train. Certains minimisent, d’autres s’indignent. Mais combien de femmes osent vraiment raconter leur expérience ? « J’ai 45 ans, et je n’ai jamais porté plainte« , avoue Khadija, commerçante. « Que va-t-on me dire ? Que j’ai cherché les ennuis ? »
Cette culture du silence protège les agresseurs et isole les victimes. Briser ce cercle vicieux demande du courage, mais aussi un environnement social qui encourage la parole plutôt que de la juger.
L’espoir réside dans la mobilisation croissante de la société civile. À Tanger, des associations accompagnent les victimes, des éducateurs sensibilisent les plus jeunes, des citoyens ordinaires refusent de détourner le regard. Ces initiatives, encore éparses, méritent d’être amplifiées et soutenues.
Les autorités locales commencent également à prendre la mesure du problème. Renforcement de l’éclairage public, formation des forces de l’ordre et campagnes de sensibilisation. Cependant, à ce qu’il semble, il y a encore du pain sur la planche.
Chaque citoyen porte une part de responsabilité dans cette transformation. Les pères qui éduquent leurs fils au respect, les témoins qui n’hésitent pas à intervenir, les employeurs qui sensibilisent leurs équipes : tous contribuent à changer les mentalités.
Cette vidéo choquante pourrait paradoxalement marquer un tournant. Elle a brisé l’indifférence et lancé un débat nécessaire. Maintenant, il faut transformer cette émotion collective en actions durables.
Tanger a tous les atouts pour devenir une ville exemplaire en matière de respect et de sécurité. Ses citoyens aspirent à ce changement, ses institutions semblent prêtes à s’engager. Il ne manque plus que la volonté collective de faire de cette aspiration une réalité.
The post Harcèlement : quand une vidéo virale réveille les consciences appeared first on Hespress Français - Actualités du Maroc.
