Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
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Dans Al-Khubz Al-Hafi, Mohamed Choukri décrivait Tanger comme un lieu où la pauvreté, la violence, l’absence de protection familiale et la marginalisation sociale rendaient les enfants vulnérables à toutes formes d’exploitation sexuelle. Cinquante ans plus tard, cette vulnérabilité persiste, mais elle a quitté les ruelles pour s’immiscer dans les écrans.
L’affaire récente impliquant Adam Benchekroun et sa mère, l’influenceur surnommé « Moulinex », poursuivis pour exploitation sexuelle de mineurs et traite d’êtres humains, illustre tragiquement cette mutation.
Selon le rapport Digital 2025 de DataReportal, le Maroc compte environ 21,3 millions d’utilisateurs de Facebook. Instagram rassemble près de 13,1 millions d’utilisateurs, tandis que TikTok en compte environ 14,6 millions et Snapchat quelque 6,72 millions.
Les jeunes, recrutés via TikTok, Snapchat, Instagram et d’autres plateformes numériques, deviennent les acteurs de réseaux organisés, souvent transnationaux, qui utilisent la promesse d’argent facile et de reconnaissance sociale pour légitimer la production de contenu sexuel et pornographique.
Ces réseaux exploitent la naïveté et le désir d’autonomie des adolescents et jeunes adultes. Les influenceurs donnent l’illusion d’un succès rapide et d’un contrôle total sur sa vie professionnelle. En parallèle, des intermédiaires structurent la chaîne de l’exploitation : recruteurs, proxénètes numériques et agences organisent le flux de contenus, prélèvent des commissions et assurent leur diffusion à l’international.
Cette professionnalisation de l’exploitation de nos jeunes crée un phénomène inédit : des jeunes, victimes d’exploitation sexuelle, sont désormais connectés à un réseau transnational capable de relayer, vendre et manipuler les contenus en quelques minutes. L’impact dépasse l’individu, menaçant les institutions, ébranlant l’autorité de l’État et fragilisant des valeurs sociales et culturelles fondamentales. La criminalité transnationale est une force organisée, capable de contourner les frontières, d’exploiter les failles légales et de s’adapter aux dispositifs de protection nationaux et internationaux.
L’impact sur les jeunes victimes est profond et multidimensionnel. Sur le plan psychologique, il se traduit par isolement, anxiété et sentiment d’injustice. Sur le plan social, il réduit les chances d’insertion et fragilise le sentiment d’appartenance. Sur le plan économique, il crée une dépendance à un système contrôlé par des intermédiaires, limitant toute possibilité d’autonomie réelle. La rapidité de diffusion des contenus et la dimension transnationale des réseaux compliquent la réponse institutionnelle : un signalement local peut être inefficace face à une diffusion mondiale, rendant la coopération internationale indispensable pour identifier et poursuivre les auteurs.
Le cadre légal marocain, notamment la loi 27-14 sur la traite des êtres humains, criminalise les recruteurs et intermédiaires tout en protégeant les victimes. Mais les outils de détection, en ligne, restent insuffisants face à la complexité des réseaux numériques. L’anonymat, la rapidité de diffusion et la portée transfrontalière permettent aux auteurs de rester invisibles et difficiles à poursuivre. Les institutions marocaines commencent à se mobiliser, mais cette mobilisation demeure partielle. Il est primordial de dépasser les politiques de colmatage pour adopter une approche holistique combinant prévention, répression et régulation.
La prévention doit être structurée et éducative. Les écoles et programmes éducatifs doivent intégrer une éducation numérique approfondie, axée sur la détection des situations d’exploitation, la compréhension des mécanismes de manipulation des influenceurs et réseaux, et le développement de l’esprit critique. Les jeunes doivent être informés de leurs droits numériques, de l’importance de l’empreinte laissée sur Internet et des risques liés à la diffusion de contenus personnels. Cette éducation doit dépasser les cours magistraux : elle doit s’appuyer sur les plateformes elles-mêmes, par des campagnes agressives, des témoignages et des programmes de mentorat numérique.
Parallèlement, la protection des victimes doit être renforcée. Les professionnels doivent être formés aux techniques d’accompagnement psychologique, juridique et technologique. Les centres d’écoute et d’accompagnement doivent être équipés pour répondre aux situations complexes de violence sexuelle numérique. Les pédopsychiatres devront s’engager à établir des programmes de soutien pour nos jeunes visés par ces réseaux organisés.
Chaque victime doit bénéficier d’une prise en charge intégrale : sécurité physique, soutien psychologique, accompagnement juridique et solutions pour une réintégration sociale. Le rôle des familles, des écoles et de la société civile est également crucial. Les plateformes comme TikTok, Snapchat et Instagram doivent être soumises à des règles strictes de contrôle des contenus, et les intermédiaires impliqués dans l’exploitation doivent être poursuivis avec rigueur. Les autorités doivent développer des outils de détection adaptés, partager les informations sur les auteurs et mettre en place des sanctions dissuasives.
Mais l’enjeu dépasse le cadre national. La criminalité transnationale prospérant sur ces plateformes constitue une menace directe pour les institutions et les valeurs sociales. Elle fragilise l’autorité de l’État, exploite les failles légales et menace la cohésion sociale. La lutte contre ces réseaux exige une coopération internationale forte et une coordination inter-agences, incluant le partage de renseignements, la coordination des enquêtes et le soutien aux victimes dans chaque pays concerné.
Autrefois concentrée dans les ruelles et les espaces informels, la vulnérabilité des enfants face à l’exploitation sexuelle s’est désormais déplacée vers les écrans de plus de 50% de la population de notre royaume, comme le révèle de manière frappante l’affaire de Adam Benchekroun et de l’influenceur “Moulinex”. Les réseaux transnationaux, grâce aux plateformes numériques, exploitent, manipulent et profitent d’adolescents qui cherchent simplement à exister et à se faire reconnaître socialement. Protéger ces jeunes nécessite une réponse multidimensionnelle alliant éducation, prévention, répression, régulation et coopération internationale.
En l’absence des modèles d’inspiration et de civisme, il ne s’agit plus seulement de sécuriser les ruelles, mais de garantir la sécurité de chaque écran, de chaque flux numérique et de chaque espace où circulent les jeunes. L’exploitation ne disparaît jamais : elle se transforme, s’adapte et s’étend.
L’affaire Benchekroun doit constituer un signal clair pour la société : la criminalité transnationale numérique est une menace réelle, complexe et persistante, et l’inaction équivaut à sacrifier non seulement des vies individuelles, mais aussi l’intégrité des institutions et des valeurs sociales.
*Expert en migration – consultant auprès d’organisations internationales
The post Jeunes et médias sociaux au Maroc: quand la criminalité transnationale menace les valeurs sociales appeared first on Hespress Français - Actualités du Maroc.
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