Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
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Il y a une métamorphose silencieuse qui se déroule sous nos yeux, sans déclaration officielle, sans décret, sans manifeste. Elle ne se lit pas dans les traités de science politique classiques -pas encore. Mais elle se lit dans les chiffres : 87 % des 18-25 ans déclarent s’informer principalement via les réseaux sociaux.
Elle se lit dans les regards baissés, les pouces qui glissent, les silences qui remplacent les débats de café. Elle se lit dans la façon dont, aujourd’hui, un jeune adulte apprend ce qu’est la justice sociale, la démocratie ou la résistance – non pas à travers un article d’un journal ou un cours de droit constitutionnel, mais à travers un Reel de 17 secondes, accompagné d’une musique émotionnelle et d’un texte en lettres blanches sur fond noir.
L’influenceur n’est plus un simple promoteur de produits. Il est devenu le nouveau médiateur du sens politique.
Ce n’est pas une métaphore. C’est une réalité institutionnelle émergente. Dans les sociétés où les institutions traditionnelles – école, médias, partis – sont perçues comme déconnectées, corrompues ou trop lentes, l’influenceur comble un vide que les théoriciens de la communication avaient anticipé, mais sans en mesurer l’ampleur. Il n’a pas besoin d’un diplôme. Il n’a pas besoin d’un titre. Il a besoin d’une voix. D’une posture. D’une sincérité performée – et c’est souvent cette performance, plus que le contenu, qui crée la crédibilité.
C’est partiellement vrai. Mais on oublie que la désinformation n’est pas toujours un mensonge. Parfois, c’est une vérité tronquée, émotionnellement amplifiée, décontextualisée pour être plus vraie que la vérité officielle. Et dans un monde où la confiance est en crise, la vérité émotionnelle l’emporte sur la vérité factuelle.
Un influencer qui dit “le système nous ment” – même s’il ne sait pas ce qu’est un système – est plus crédible qu’un professeur universitaire qui explique les mécanismes de la capture étatique. Pourquoi ? Parce que le premier parle à un corps, le second à un esprit.
Ce n’est pas un phénomène de mode : C’est une reconfiguration du pouvoir symbolique.
Les réseaux sociaux ne sont pas de simples plateformes. Ce sont de nouveaux espaces publics – mais publics sans règles, sans débat, sans contre-pouvoir. Le “like” remplace le vote.
Le partage, la mobilisation. Le commentaire, la critique. Et ceux qui contrôlent ces espaces – les algorithmes, les plateformes, les influenceurs eux-mêmes – exercent une forme de pouvoir invisible, non élue, non transparente. Un pouvoir qui ne se manifeste pas par des lois, mais par des tendances. Par des silences. Par des suppressions de contenus jugés “non-engageants”.
Et ce qui est le plus troublant, c’est que cette nouvelle autorité n’est pas contestée – elle est désirée. Parce qu’elle donne l’illusion de l’immédiateté. De l’authenticité. De la proximité. Elle ne demande pas d’effort intellectuel. Elle offre une compréhension simplifiée, émotionnellement chargée, d’un monde complexe. Une simplification qui, à court terme, apaise. À long terme, affaiblit.
Mais il ne s’agit pas de condamner. Il s’agit de comprendre.
Car parmi ces influenceurs, certains deviennent, sans le vouloir, des éducateurs politiques. Ils rendent accessibles des concepts que les universités ont longtemps gardés dans leurs tours d’ivoire. Ils font de la théorie critique un contenu partageable. Et c’est là que réside le paradoxe : le système académique dénonce les réseaux comme des lieux de dégradation du savoir, alors qu’il ne parvient pas à s’y adapter, à y entrer, à y parler.
Nous, chercheurs, avons encore une chance – mais elle est étroite. Il ne s’agit pas de rejeter l’influenceur. Il s’agit de le dépasser. De ne pas chercher à le combattre, mais à le submerger. À y entrer avec la même énergie, la même urgence, la même vulnérabilité.
– À ne pas parler “aux jeunes”, mais avec eux.
– À abandonner le ton du professeur pour adopter celui du compagnon de route.
– À accepter que la pensée politique ne doit plus être un privilège de l’écriture académique, mais un droit de la parole publique – même si cette parole est en 15 secondes.
Le monde bleu ne va pas disparaître. Il s’agrandit. Et il ne s’agrandit pas par hasard. Il s’agrandit parce qu’il répond à un besoin profond : celui de se sentir vu, compris, et enfin, représenté.
Notre défi n’est plus de dénoncer le numérique : C’est d’apprendre à y penser autrement.
Et peut-être que la prochaine grande théorie politique ne sera pas écrite dans un livre, mais dans un post. Et qu’elle sera lue par des millions, sans qu’aucun comité d’évaluation ne l’ait approuvée.
C’est là que commence le vrai défi du XXIe siècle : Ne plus être le gardien du savoir, devenir son éclaireur.
*Chercheur en Sciences politiques
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