Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
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Les auxiliaires d’autorité – ces cheikhs, ces moqaddems, ces hommes aux casquettes usées et aux voix calmes – sont partout au Maroc. Et nulle part à la fois. Invisibles dans les discours officiels, absents des grands médias, ils sont pourtant l’un des rouages les plus solides de l’État. Pas par la force, ni par le pouvoir formel, mais par la fonction. Par ce qu’ils font, chaque jour, loin des projecteurs, là où l’administration s’arrête et où la vie continue.
L’État au bout du chemin
Officiellement, les auxiliaires d’autorité sont des agents de proximité placés sous l’autorité du ministère de l’Intérieur. Leur existence remonte au Dahir de 1958, mais leur rôle, lui, est bien plus ancien. Ils sont les héritiers d’un système de gouvernance locale qui, depuis des siècles, repose sur des figures intermédiaires capables de relier le centre du pays aux confins de ses montagnes, de ses vallées, de ses déserts.
Aujourd’hui, leur fonction s’est complexifiée. Ils ne sont plus seulement les gardiens de l’ordre ou les collecteurs d’impôts d’antan. Ils sont devenus des facilitateurs. Des coordinateurs. Des relais indispensables.
Dans les villages reculés, c’est le « cheikh » qui accompagne les citoyens dans leurs démarches administratives : carte d’identité, acte de naissance, demande de logement social. Il collecte les documents, vérifie les pièces, parfois avance l’argent du timbre fiscal. Il connaît les familles, les histoires, les besoins. Il sait qui est veuf, qui est malade, qui a perdu son emploi. Et souvent, c’est lui qui transmet cette information aux services sociaux, aux caïds, aux responsables de la santé ou de l’éducation.
Une fonction multiple, souvent méconnue
Leur rôle s’étend bien au-delà du registre administratif. Les auxiliaires d’autorité sont aussi des médiateurs. Dans les conflits fonciers, les disputes familiales, les tensions entre clans, ils interviennent en première ligne. Leur connaissance du tissu social, leur neutralité relative (ou perçue comme telle), leur respect de la coutume leur donnent une légitimité que bien des juges ou des élus n’ont pas.
Mais leur fonction ne s’arrête pas là. Ils sont aussi des agents de veille. Chargés de la sécurité locale, ils signalent les comportements suspects, surveillent les mouvements de population, informent les forces de l’ordre. Pendant la pandémie, ils ont été sur le front : distribution des attestations de déplacement, sensibilisation aux gestes barrières, suivi des cas positifs. Pendant les séismes, ils ont été les premiers à compter les victimes, organiser les secours, guider les équipes de secours.
Ils sont, en somme, les yeux, les oreilles et parfois les mains de l’État là où l’État n’a pas de bureaux, ni de fonctionnaires en nombre.
Un service public au quotidien
Ce qui frappe, en les rencontrant, c’est leur sens du devoir. Beaucoup exercent depuis des décennies, sans augmentation de salaire significative, sans reconnaissance officielle, sans formation continue. Leur rémunération ? Un traitement symbolique, parfois complété par des petits avantages – un terrain, une priorité dans les allocations, une protection en cas de besoin.
Et pourtant, ils restent. Par devoir. Par attachement à leur village. Parfois, aussi, par tradition familiale : le père était « cheikh », le fils le devient.
Leur fonction, en réalité, est celle d’un service public de proximité, informel mais efficace. Ils combinent le rôle d’agent administratif, de travailleur social, de conciliateur, de représentant de l’État. Et dans un pays où les infrastructures publiques tardent à s’étendre, où les délais sont longs et les distances grandes, cette fonction est vitale.
Entre légitimité et défis
Pourtant, tout n’est pas idyllique. Le manque de formation, l’absence de contrôle, les risques de favoritisme ou d’abus de pouvoir sont bien réels. Certains, profitant de leur position, bloquent des dossiers, exigent des bakchichs, ou servent des intérêts privés. Transparency Maroc a documenté plusieurs cas de dérives, notamment dans des zones où la surveillance citoyenne est faible.
Et puis, il y a la question de la légitimité démocratique. Alors que le Maroc avance vers une décentralisation accrue, avec des élus locaux censés prendre le relais, les auxiliaires d’autorité, eux, ne sont pas élus. Ils sont nommés. Et cette absence de mandat populaire alimente une certaine méfiance, surtout en milieu urbain ou chez les jeunes générations.
Une fonction à réinventer, pas à supprimer
Face à ces défis, la tentation serait de vouloir supprimer cette institution, jugée archaïque. Mais beaucoup d’experts s’y opposent. « Ce n’est pas le système qu’il faut supprimer, c’est le rendre plus transparent, plus responsable, plus intégré », explique la chercheuse Souad Chraibi. « Ces hommes font un travail essentiel. Le vrai enjeu, c’est de les accompagner dans la modernité. »
Des pistes existent. Former les auxiliaires d’autorité aux droits humains, à la déontologie, à la gestion administrative. Mettre en place des mécanismes de contrôle citoyen. Clarifier leurs missions dans le cadre de la régionalisation avancée. Les intégrer dans les comités de développement local, en collaboration avec les élus.
Le sens du service
Les auxiliaires d’autorité ne sont ni des héros, ni des ombres. Ils sont simplement ceux qui, chaque jour, font en sorte que l’État ne soit pas une abstraction lointaine, mais une présence concrète. Ce ne sont pas eux qui font les lois. Mais ce sont eux qui les rendent possibles, là où personne d’autre ne veut aller.
Et tant que le Maroc aura des villages isolés, des familles vulnérables, des routes coupées par les crues, il aura besoin de ces hommes-là. Pas comme des instruments de contrôle, mais comme des serviteurs du lien. Du lien entre le pouvoir et le peuple. Entre l’administration et la dignité. Entre l’État et ceux qu’il doit protéger.
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