Posted by - Senbookpro KAAYXOL -
on - 8 hours ago -
Filed in - Society -
-
5 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
Face à la demande mondiale explosive en minerais critiques, le Maroc avance ses pions entre Pékin et Bruxelles. Un rapport de l’Africa Policy Research Institute plaide pour une coopération trilatérale inédite, faisant du Royaume un trait d’union industriel entre la Chine et l’Union européenne.
Dans la nouvelle géopolitique des énergies propres, les minerais dits de transition – lithium, cobalt, manganèse, nickel ou encore phosphates – sont devenus des ressources aussi convoitées que stratégiques. Le Maroc, qui en possède des réserves importantes, cherche à tirer parti de cet atout pour renforcer son industrie et accroître son poids international. Mais entre investissements rapides venus de Chine et engagements plus normatifs avec l’Union européenne, le Royaume se trouve face à un choix d’équilibre.
C’est dans ce contexte qu’intervient une étude publiée par l’Africa Policy Research Institute (APRI). Signé par Stephen Duah Agyeman, chercheur à l’Université de Strathclyde en Écosse, et Hermas Abudu, de l’Université Emory aux États-Unis, ce policy brief défend la mise en place d’un cadre trilatéral Maroc-Chine-UE, visant à structurer les investissements, faciliter les transferts technologiques et promouvoir un développement minier durable. Le rapport propose une feuille de route ambitieuse pour faire du Royaume un pont entre les modèles chinois et européens.
Les minerais de transition génèrent déjà près de 25 % des revenus d’exportation miniers du Maroc et représentent environ 10 % de son PIB. Le phosphate, en particulier, positionne le pays comme un acteur de premier plan dans la production de batteries LFP. À cela s’ajoutent des ressources en cobalt, cuivre, manganèse et des indices de lithium, ce qui confère au Royaume une stature stratégique rare dans la région.
Mais Rabat ne souhaite pas se contenter d’exploiter ses gisements. À travers sa Stratégie minière nationale 2021-2030, le pays cherche à grimper dans la chaîne de valeur, en passant de l’extraction brute à la transformation locale. Objectif : faire émerger un véritable tissu industriel, tout en attirant les capitaux étrangers et en formant une main-d’œuvre qualifiée.
Les relations avec l’Union européenne s’appuient sur une coopération ancienne, renforcée ces dernières années par le lancement du Partenariat vert UE-Maroc en 2022. Ce cadre permet d’aligner les politiques climatiques, d’encourager la recherche de solutions industrielles durables et d’attirer des financements. En 2023, plus de 624 millions d’euros ont été engagés par l’UE au titre de la coopération, avec des projets dans les énergies renouvelables, l’ammoniac vert ou encore la désalinisation, en lien avec des acteurs comme TotalEnergies, Engie ou la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD).
Mais l’implication européenne, aussi ambitieuse soit-elle, reste souvent freinée par des exigences réglementaires strictes, notamment en matière de durabilité et de traçabilité, ce qui ralentit l’exécution des projets. Le rapport de l’APRI note que cette lenteur constitue un obstacle pour les autorités marocaines, qui cherchent des résultats plus rapides.
À l’inverse, la Chine a su s’imposer comme un partenaire agile et réactif. Depuis que les relations bilatérales ont été élevées au rang de partenariat stratégique en 2016, Pékin multiplie les investissements industriels, notamment dans les zones économiques spéciales. La Tangier Tech City, l’usine de batteries électriques de Guchen Hi-tech à Rabat ou encore les projets portés par CNGR et CMEC à Jorf Lasfar en sont les principaux exemples.
Pour Stephen Duah Agyeman et Hermas Abudu, cette approche permet aux entreprises chinoises de “se déployer rapidement grâce à des mécanismes de financement adossés à l’État et une logique de verticalisation industrielle”. Mais les auteurs du policy brief rappellent aussi que “ces partenariats suscitent des inquiétudes en matière de normes environnementales et de retombées locales limitées”.
Face à cette dualité, les auteurs appellent à dépasser la logique des partenariats bilatéraux et à engager un dialogue trilatéral coordonné. Le Maroc, estiment-ils, pourrait “servir de médiateur entre les approches divergentes de l’UE et de la Chine” et créer un espace de coopération structuré autour des minerais de la transition.
Le policy brief propose ainsi cinq grands axes d’action : le lancement d’un fonds d’investissement conjoint pour financer les projets miniers respectant des standards environnementaux stricts ; la création de programmes de transfert technologique croisant l’expertise industrielle chinoise et les normes européennes ; la mise en place d’un programme de formation des compétences vertes ; l’incitation aux co-investissements privés avec les entreprises marocaines, et enfin, la promotion du dialogue mutuel entre les deux puissances.
À cela s’ajoute une feuille de route institutionnelle, articulée autour de cinq étapes. Elle commence par la création d’un GTM Task Force Maroc-Chine-UE pour assurer la coordination. Elle recommande également d’établir des zones industrielles dédiées aux minerais critiques, dotées d’avantages fiscaux conditionnés à des transferts de compétences. Une charte de durabilité harmonisée entre les standards européens (CRMA) et chinois (BRI verte) devrait encadrer les projets. Enfin, le Maroc pourrait porter un corridor minier régional en Afrique de l’Ouest, tout en instaurant une loi sur le contenu local, appuyée par un institut national de formation dédié aux technologies vertes.
Pour l’APRI, cette coopération trilatérale n’a pas seulement vocation à maximiser les intérêts du Maroc. Elle pourrait aussi représenter un modèle de gouvernance multipolaire des ressources stratégiques dans le Sud global. À condition, toutefois, que Rabat conserve son autonomie et évite les pièges d’une dépendance extractive vis-à-vis d’un seul partenaire.
“Dans un contexte de rivalités croissantes sur les chaînes d’approvisionnement critiques, la capacité du Maroc à articuler, modérer et équilibrer les intérêts en présence pourrait devenir l’un de ses principaux atouts géostratégiques”, concluent Stephen Duah Agyeman et Hermas Abudu.
The post Maroc, Chine et UE : vers une coopération minière trilatérale ? appeared first on Hespress Français - Actualités du Maroc.
At our community we believe in the power of connections. Our platform is more than just a social networking site; it's a vibrant community where individuals from diverse backgrounds come together to share, connect, and thrive.
We are dedicated to fostering creativity, building strong communities, and raising awareness on a global scale.