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Les Marocains payent trois fois plus pour leurs médicaments, un constat qui ne passe pas inaperçu. Le réseau marocain pour la défense du droit à la santé (RMDDS) dénonce ce qu’il qualifie d’impuissance face au lobby des entreprises pharmaceutiques qui engrangent des profits exorbitants au détriment de la santé et de la vie des citoyens.
Dans un rapport cinglant, le RMDDS s’interroge sur la stratégie de l’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé pour élaborer une politique pharmaceutique nationale garantissant la sécurité et la souveraineté sanitaire. Il interpelle également le Conseil de la concurrence, qui « tarde à exercer ses pouvoirs constitutionnels pour lutter contre le monopole et l’enrichissement illégal, et éviter l’échec du système de protection sociale et de l’assurance maladie« .
Déjà, lors d’une séance consacrée au vote des amendements parlementaires et à la première partie du projet de loi de finances 2025 (PLF), tenue mardi dernier au sein de la Commission des Finances et du Développement Economique de la Chambre des Représentants, le ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, avait tiré la sonnette d’alarme concernant le coût exorbitant de certains médicaments au Maroc. Il avait révélé que ces produits pharmaceutiques sont souvent vendus à des prix multipliés par trois ou quatre par rapport aux tarifs mondiaux, appelant ainsi à une réévaluation urgente des pratiques commerciales qui entravent l’accès des citoyens aux traitements nécessaires.
Cette confirmation s’ajoute aux précédentes. Les rapports de plusieurs instances, dont le Conseil national des droits de l’homme (CNDH), le Conseil économique, social et environnemental (CESE), ainsi que le Conseil de la concurrence, corroborent cette réalité. Une étude de la Cour des comptes publiée en mars 2023 a relevé que “25 % des médicaments sont en situation de monopole, entravant la concurrence et exacerbant la crise”.
Citée par le rapport du RMDDS, Myriam Lahlou Filali, vice-présidente de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutique (FMIIP), a précédemment dévoilé que “presque tous les médicaments nécessaires au Maroc, à l’exception des génériques, sont importés”. Elle estime que les producteurs locaux pourraient couvrir 50 % des besoins nationaux. Et de fil en aiguille, la dépendance aux importations se confirme.
Les prix des médicaments au Maroc dépassent de 3 à 4 fois ceux en Belgique et en France. Une étude menée par la CNOPS et l’administration des douanes a révélé des écarts atteignant parfois 1000 %, notamment pour les traitements des maladies chroniques.
Ce n’est pas la première fois où la sonnette d’alarme a été tirée. Les rapports de la société civile, notamment du RMDDS, pointent régulièrement la tendance à la hausse des prix des médicaments au Maroc, souvent supérieurs de 30 à 250 % à ceux d’autres pays pour des traitements comme le diabète, l’hypertension ou le cancer. Par exemple, le prix d’un médicament contre l’hépatite virale atteint entre 3.000 et 6.000 dirhams au Maroc, contre 800 dirhams en Égypte. Parfois, un médicament générique coûte plus cher qu’un médicament original dans d’autres pays.
Le Maroc affiche le deuxième plus grand taux de marge bénéficiaire sur les médicaments en Afrique du Nord et en Méditerranée. Les multinationales en profitent, aggravant le déficit des réserves en devises et entravant la couverture sanitaire universelle.
La consommation annuelle moyenne par habitant atteint désormais 580 dirhams, contre 350 dirhams auparavant. Les génériques représentent moins de 34 % des médicaments consommés, loin derrière les normes internationales (58 %) ou les taux observés en France (70 %) et en Allemagne (80 %).
Les firmes pharmaceutiques continuent de pratiquer la politique de la sourde oreille et de générer des marges bénéficiaires parmi les plus élevées en Afrique du Nord et en Méditerranée. Malgré l’exonération de la TVA sur les médicaments depuis janvier 2024, ces pratiques persistent, augmentant la charge sur les citoyens et les systèmes de protection sociale.
Face à cette situation, le RMDDS propose une révision urgente du décret de 2013 encadrant les prix des médicaments, qui favorise les lobbys pharmaceutiques, une mise en œuvre d’une politique nationale pour garantir la souveraineté pharmaceutique et un boost à la production nationale et taxer les importations pour réduire les coûts.
Le RMDDS recommande également un contrôle strict aux marges des entreprises et une surveillance exigeante de la qualité des médicaments importés. A cette étape, l’activation du rôle de l’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé devient plus urgente que jamais pour une meilleure régulation.
Il convient de rappeler que le Conseil de gouvernement, réuni jeudi dernier, a adopté le projet de loi n° 61.24 portant approbation du décret-loi 2.24.728 du 27 septembre 2024 complétant la loi n° 17.04 relative au code du médicament et de la pharmacie.
Présenté par le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Amine Tahraoui, ce texte intervient en application des dispositions de l’article 81 de la Constitution selon lequel « le gouvernement peut prendre, dans l’intervalle des sessions, avec l’accord des commissions concernées des deux chambres, des décrets-lois qui doivent être, au cours de la session ordinaire suivante du parlement, soumis à la ratification de celui-ci », a indiqué le ministre délégué chargé des Relations avec le parlement, porte-parole du gouvernement, Mustapha Baitas, lors d’un point de presse à l’issue du Conseil.
In fine, le RMDSS assure que le droit à la santé et aux médicaments ne peut être soumis aux lois du marché. Il est urgent de réformer le système pour garantir une couverture médicale équitable et accessible à tous, et pour mettre fin aux abus des multinationales au détriment des citoyens marocains.
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