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L’association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a finalement rendu son « avis » sur les propositions de réforme du Code de la famille. Fervente défenseuse de l’émancipation féminine au Maroc, l’association juge que « dans le cadre de la réforme du code de la famille, certaines propositions suscitent des questionnements majeurs tant au niveau de la forme qu’à celui de la nature des dispositions révisées suggérées ».
L’éternel combat entre le conservatisme et la modernité regagne le devant de la scène, toujours selon les dires de l’ADFM, « les 17 propositions de révision ont été présentées en fonction de ce que les oulémas ont accepté, refusé en suggérant des alternatives (qui n’en sont pas) ou opposé une fin de non-recevoir catégorique aboutissant à une grande illisibilité du projet de révision« .
Alors que la réforme de la Moudouwana promet un souffle de renouveau dans les milieux sociaux et économiques, certaines dispositions ne répondent pas entièrement aux aspirations des milieux associatifs. Cette confusion marque une absence de centralité politique assumée au sujet d’une question fondamentale qui touche de près au statut des millions de femmes et de filles dans la famille et dans la société, et révèle, méthodologiquement parlant, un grand déficit en matière de cohérence et d’une appréhension globale des enjeux et défis liés à l’émancipation des femmes.
« C’est ainsi qu’au lieu de favoriser une compréhension claire du projet de révision par l’opinion publique, cette communication à tiroirs a ouvert la voie, d’abord, aux positionnements immédiats, simplistes et incohérents, ensuite, à la prolifération de lectures aussi rétrogrades que fantaisistes d’autres acteurs et, enfin, à une surinterprétation sur fond d’ignorance du sujet et des enjeux par d’autres, réseaux sociaux aidant. Le tout, soutenu, le plus souvent, par un conservatisme d’un autre temps, et une culture patriarcale ambiante sous couvert de la défense de l’Islam« , s’indigne l’ADFM.
Prises à la légère, selon la description de l’ADFM, les revendications féminines ne cessent de s’amplifier face à une société patriarcale. Dans le détail, l’ADFM dénonce : “C’est ainsi qu’ayant écarté des demandes du mouvement des droits des femmes et des droits de l’homme parmi les plus importantes, notamment le mémorandum de notre association +Pour une législation de la famille garantissant l’égalité en droits et la justice dans les cas et situations+, le Conseil supérieur des oulémas propose des +alternatives+ qui existent déjà dans le dispositif juridique national et dans les pratiques sociales, comme c’est le cas pour la donation (hiba, article 238 du Code des droits réels), mobilisée pour répondre à plusieurs des demandes visant le rétablissement de la justice« .
Ce chantier de révision lancé à l’initiative du Roi Mohammed VI est perçu comme « une bénédiction » par les femmes qui se sentent enfin entendues et y voient des propositions qui répondent à des problématiques réelles de la société marocaine.
Ainsi, l’ADFM indique que « dans le cas de la revendication de l’abrogation du privilège agnatique (taâsib), de plus en plus de contrats de donations sont établis par des parents qui veulent, avant leur décès, équilibrer les parts d’héritage entre leurs filles et leurs fils ou pour ceux qui n’ont que des héritières, les protéger d’éventuels ayants-droits collatéraux. La hiba est également proposée en tant que réponse +alternative+ à l’autorisation de la successibilité entre époux de confession différente. Le code de la famille autorise le mariage d’un musulman avec une non musulmane de la religion du livre mais remet en question les causes légales de la successibilité qui sont les liens conjugaux et les liens de parenté« .
Certaines lacunes persistent à l’instar de la hiba devenue la solution miracle, l’alternative à la demande de l’abrogation pure et simple de la polygamie est de l’autoriser dans des situation exceptionnelle (stérilité ou maladie de l’épouse l’empêchant de remplir son devoir conjugal), soumise à l’appréciation du juge. On peut se demander comment le juge peut-il apprécier la réalité ou non de la capacité de la femme à remplir ses devoirs conjugaux, s’interroge l’association.
Le rejet pur et simple du recours à l’ADN comme preuve de la filiation paternelle n’est pas moins surprenant. Ce rejet n’est-il pas en contradiction absolue avec l’article 32 de la Constitution et avec la Convention des droits de l’enfant à laquelle le Maroc souscrit ? Le destin des enfants né-es hors mariage serait-il à jamais synonyme de discrimination et de stigmatisation ?
A l’heure où l’ADFM s’apprête à célébrer ses 40 ans de contribution effective au progrès des femmes et du pays, et tout en rappelant la centralité du statut des femmes dans le cadre des relations familiales, l’association tranche que « la +nouvelle+ révision, pensée dans le cadre restrictif d’une +vision+ de petits ajustements à minima, demeure à la fois en retrait par rapport aux réalités et mutations économiques et sociétales enregistrées par la famille et les femmes, et déconnectée des dynamiques démocratiques proclamées et du discours à propos des droits de l’homme« .
Pour elle : La « nouvelle » révision s’inscrit davantage dans une logique de « compromis conservateur que de progrès audacieux« . Elle privilégie ainsi le « statuquo, au lieu de permettre aux marocaines et aux marocains, en particulier les générations montantes de se projeter à l’horizon des deux ou trois décennies à venir« , estime encore l’ADFM.
Pour que l’actuelle révision constitue la valeur ajoutée tant attendue à celle de 2004,poursuit l’Association, elle doit répondre à l’appel du Roi Mohammed VI visant « à approfondir la recherche au sujet des problématiques du fiqh liées aux évolutions que connaît la famille marocaine, et qui exigent des réponses novatrices en phase avec les exigences de l’heure ».
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