Une secousse tellurique de magnitude 4,6 a de nouveau frappé, mercredi matin, la région d’Al Haouz. Ressentie jusque dans la métropole de Casablanca, à près de 300 kilomètres de l’épicentre, elle a ravivé l’angoisse des habitants encore marqués par le terrible séisme de septembre 2023. Pour comprendre la portée de ce nouvel épisode, Nacer Jebbour, chef de division à l’Institut National de Géophysique (ING), livre une analyse scientifique détaillée, tout en appelant à la sérénité.
« Le séisme a été fortement ressenti, surtout dans la zone centrale, dans le voisinage de la commune de Talat N’Yaaqoub. Il a également été perçu dans les provinces avoisinantes et même jusqu’à Casablanca, à 300 kilomètres », explique Jebbour. Ce phénomène, précise-t-il, illustre « l’étendue de la propagation des vagues et des ondes sismiques ».
Avec une magnitude de 4,6 sur l’échelle de Richter, cette secousse est classée dans la catégorie des tremblements « modérés ». Mais sa symbolique, deux ans après la catastrophe meurtrière de 2023, n’a pas échappé aux habitants : « C’est un peu un rappel de l’aléa sismique pour les habitants de la région. Ils ont immédiatement fait le lien avec le mois de septembre, mais c’est juste un hasard de calendrier », explique-t-il.
Des répliques appelées à se poursuivre
Selon l’expert, il s’agit d’une réplique tardive du séisme principal de 2023. « Ce sont toujours des séquences de répliques, même retardées après deux ans du choc principal. Ça va continuer. On ne s’attendait pas à une durée aussi importante de cette série, mais il faut sensibiliser les gens et leur rappeler qu’il ne faut pas céder à la panique lors des ébranlements », souligne-t-il.
Sur le plan matériel, Jebbour se veut rassurant : « Je ne pense pas que ce séisme ait eu des effets sur les constructions modernes, notamment celles issues de la reconstruction dans le Haut Atlas. En revanche, les bâtis vulnérables, les anciennes maisons déjà fissurées, peuvent enregistrer de nouvelles fissures ».
Une région à surveiller de près
À la question de savoir si Al Haouz est désormais à considérer comme une région sismique à part entière, Jabour est catégorique : « Le choc principal de 2023, avec une magnitude de 7, nous a montré le potentiel de risque de la zone. Nos connaissances doivent être réévaluées et la caractérisation de la zone remise à niveau ».
Il insiste également sur la nécessité d’adapter les normes de construction : « Il faut tenir compte de ces secousses pour planifier les nouvelles constructions et mettre à niveau les bâtiments existants, afin qu’ils puissent supporter les tremblements de terre à venir ».
Des milliers de secousses en deux ans
Le suivi sismologique a révélé une activité exceptionnelle depuis septembre 2023. Selon Jebbour, « la première année, juste après le choc principal, nous avons enregistré plus de 10.000 secousses. L’année suivante, un peu moins, mais au total, cela fait presque 20.000. Heureusement, la majorité n’ont pas été ressenties, car il s’agissait de faibles secousses ».
Un tel phénomène est inédit au Maroc estime l’expert : « C’est nouveau pour les sismologues. C’est la première fois que nous assistons, avec l’aide des capteurs, à une crise sismique aussi longue dans le Haut Atlas. C’est un cas d’étude inédit pour les géologues ».
Les causes profondes : une dette tectonique libérée
Interrogé sur les origines de cette instabilité prolongée, le scientifique évoque un mécanisme historique : « La région a été calme pendant longtemps. Elle a emmagasiné beaucoup de stress tectonique et le relâchement se fait de manière brutale. Le grand choc de 2023 a déstabilisé toutes les structures géologiques du Haut Atlas ».
Et de rappeler que « le Haut Atlas lui-même est né de tremblements de terre. C’est à l’origine de l’existence de cette chaîne montagneuse. Les secousses font partie de son histoire géologique ».
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