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Le Soudan, pays déchiré par des conflits et des luttes de pouvoir, se trouve aujourd’hui au bord d’une crise encore plus profonde, où s’entrelacent rivalités politiques, ambitions militaires et influences islamistes. En effet, le chef de l’armée et dirigeant de facto du Soudan, Abdel Fattah Al-Burhan (Président du Conseil de souveraineté de transition du Soudan depuis 2021), en guerre contre les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) est sur la sellette. Ce coup-ci, c’est aux islamistes qu’il a affaire.
Les tensions entre Al-Burhan et les islamistes ne sont pas un symptôme de rivalités internes, elles sont également le reflet d’un pays qui lutte pour définir son identité politique et sociale. Si les islamistes décident de retourner leurs armes contre Al-Burhan, cela pourrait plonger le pays dans une instabilité encore plus profonde, avec des conséquences désastreuses pour toute la région.
Les récentes déclarations du prédicateur Abdel-Hay Yusuf ou Youssef, figure de proue du Mouvement islamique soudanais, mettent en lumière une fracture grandiose entre les islamistes et le général Abdel-Fattah Al-Burhan. Cette situation soulève des questions cruciales : les Frères musulmans, qui occupent une place importante dans l’armée, se retourneront-ils contre Al-Burhan ? Et, comment ces dynamiques influenceront-elles l’avenir déjà incertain du Soudan ?
Depuis des décennies, les islamistes, et notamment les membres du Mouvement islamique soudanais, ont tissé leur toile au sein des institutions militaires et civiles. Sous le régime d’Omar el-Béchir, cette pénétration s’est institutionnalisée, transformant l’armée en un bastion de protection pour les intérêts islamistes. Malgré la chute d’el-Béchir en 2019, cette influence n’a jamais véritablement disparu.
Le général Al-Burhan, tout en niant à plusieurs reprises l’emprise des islamistes sur l’armée, se retrouve aujourd’hui confronté à des accusations directes. Abdel-Hay Yusuf a publiquement affirmé que les islamistes sont non seulement présents dans l’armée, mais qu’ils occupent des postes stratégiques, allant jusqu’à dire qu’ils sont « dans le bureau même d’Al-Burhan ». Ces déclarations renforcent l’idée que l’armée n’est pas une institution homogène, mais un espace de rivalités internes, où des factions islamistes bien organisées pourraient représenter une menace sérieuse pour le commandement.
Les tensions entre Al-Burhan et les islamistes ne sont pas nouvelles, mais elles prennent désormais une tournure plus visible et explosive. Abdel-Hay Yusuf, dans une vidéo diffusée depuis la Turquie, a qualifié Al-Burhan de « personnage sans foi ni honneur », tout en dénonçant son incapacité à affronter les islamistes. Il va plus loin en attribuant les récentes victoires sur le terrain non pas à l’armée officielle, mais à une « résistance populaire » qu’il considère comme un paravent pour des forces islamistes bien entraînées.
Cette montée en puissance de la rhétorique anti-Burhan de la part des islamistes reflète un mécontentement croissant. Al-Burhan est accusé d’avoir échoué à protéger les intérêts des islamistes tout en imposant de se repositionner comme un chef militaire indépendant. Cette posture ambiguë a non seulement aliéné un parti des islamistes, mais a également alimenté les spéculations sur un potentiel coup d’État interne au sein de l’armée, orchestré par des factions islamistes désillusionnées.
Les critiques envers Al-Burhan ne se limitent pas aux islamistes. Les civils et les observateurs internationaux pointent également du doigt l’opportunité de l’armée, qui, selon eux, utilise le conflit pour maintenir son pouvoir. Les islamistes, de leur côté, ont capitalisé sur la situation chaotique pour recruter et entraîner de nouvelles forces, élargissant ainsi leur influence.
L’ancien Premier ministre, Abdallah Hamdok, a récemment déclaré que l’armée soudanaise a « ruiné le pays, et ce, depuis plus de cinquante ans » et qu’elle est désormais un outil au service des islamistes. Ces déclarations révèlent une vérité amère : le Soudan est piégé dans un cercle vicieux où l’armée et les islamistes se nourrissent mutuellement, exacerbant les divisions et retardant toute possibilité de transition démocratique.
L’idée d’un coup d’État islamiste contre Al-Burhan n’est pas à exclure. Selon les rapports, des milliers de jeunes islamistes ont été formés à la guerre sous la supervision d’anciens « moudjahidines », ce qui leur donne une capacité militaire redoutable. L’influence croissante de figures comme Ali Karti, un autre leader islamiste, renforce ces craintes. Karti, qui cherche à unifier les différentes factions islamistes, a joué un rôle clé dans le recrutement et l’organisation de combattants islamistes, ce qui pourrait servir de base pour un coup d’État militaire contre Al-Burhan.
Ces manœuvres ne sont pas une menace pour Al-Burhan et pour la stabilité du pays. Un coup d’État interne ne permettrait qu’ajouter une nouvelle couche de complexité à un conflit déjà multidimensionnel, tout en renforçant l’idée que l’armée soudanaise est un instrument manipulé par des forces invisibles.
La montée des tensions entre l’armée et les islamistes au Soudan illustre un problème : l’incapacité du pays à se libérer de l’héritage de la militarisation de la politique. Alors que d’autres pays, dans un contexte différent, montrent l’importance de la diplomatie pour éviter des conflits ouverts, le Soudan reste enlisé dans une logique où les armes priment sur les dialogues. Le rôle de la communauté internationale est crucial pour prévenir une nouvelle escalade. Mais, ces initiatives, bien qu’importantes, ne pourront pas remplacer la nécessité d’un leadership soudanais prêt à transcender les intérêts de factions pour bâtir un véritable consensus national.
Dans ce contexte, la question n’est pas de savoir si un coup d’État aura lieu, mais si le Soudan pourra un jour briser le cercle vicieux de l’opportunisme militaire et de l’influence islamiste. La réponse, pour l’instant, reste tragiquement incertaine.
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