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on - Dec 22 -
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Le secteur du textile-habillement au Maroc, véritable locomotive de l’économie nationale, fait aujourd’hui face à une réalité contrastée. D’un côté, il s’impose comme un poids lourd industriel et un acteur clé des exportations vers l’Europe. De l’autre, des défaillances structurelles en matière de sécurité mettent en péril des vies humaines et soulèvent des questions sur les conditions de travail.
La récente annonce d’un possible accord sur la sécurité des ouvriers, calqué sur celui adopté au Bangladesh et au Pakistan, ouvre la voie à une nécessaire transformation pour garantir des normes conformes aux exigences internationales. Avec 1.700 entreprises et près de 200.000 employés, la filière textile-habillement occupe une place de choix dans le tissu économique marocain.
Le Maroc s’est imposé comme un partenaire incontournable pour l’Union européenne, qui absorbe à elle seule deux tiers des exportations marocaines de textile. En 2023, ce sont 2,5 milliards d’euros d’articles d’habillement qui ont pris le chemin des marchés européens, plaçant le Royaume en 8ᵉ position des fournisseurs de l’UE, devant des acteurs comme la Tunisie et le Myanmar. À l’inverse, le Maroc est un client majeur pour le textile européen, avec 1,9 milliard d’euros de matières premières importées sur la même période.
Cette réussite témoigne de la compétitivité de l’industrie marocaine, notamment dans la production à cycle court et le « nearshoring » (rapprochement des chaînes d’approvisionnement) qui répond aux besoins des grandes enseignes mondiales. H&M, Zara, Mango ou encore Adidas, pour ne citer qu’eux, font partie des donneurs d’ordre privilégiant le Maroc pour sa proximité géographique et sa main-d’œuvre qualifiée.
Cependant, cette performance économique cache des fragilités profondes. Ces dernières années, plusieurs drames ont mis en lumière les conditions précaires dans lesquelles travaillent certains ouvriers marocains. Les incendies récents à Fès, Casablanca et Tanger ne sont que les derniers épisodes d’une série noire qui rappelle cruellement les dangers persistants dans le secteur.
En 2021, l’inondation d’un atelier clandestin à Tanger avait coûté la vie à 26 ouvriers, un choc national qui avait déjà pointé du doigt l’absence de normes rigoureuses de sécurité. Un an plus tard, six travailleurs périssaient dans l’effondrement d’une usine à Casablanca. Ces incidents ne sont pas isolés, mais symptomatiques de pratiques défaillantes où le profit immédiat prime sur la sécurité.
Pour les syndicats, ces tragédies traduisent un manque d’inspections régulières, une législation inadaptée ou encore un déficit d’investissement dans la modernisation des infrastructures. Le SNTHC-CDT, syndicat affilié à IndustriAll Global Union, plaide pour une mise en conformité urgente afin de protéger les travailleurs et d’éviter que de tels drames ne se reproduisent.
L’idée d’adopter un accord identique à l’Accord on Fire and Building Safety, appliqué au Bangladesh après la tragédie du Rana Plaza (1.100 morts en 2013), marque une prise de conscience des autorités marocaines. Ce dispositif a imposé aux grandes marques et aux fabricants d’investir dans la sécurisation des lieux de production, en engageant leur responsabilité sociale et financière.
Lors de la rencontre ministérielle du 29 novembre, Hicham Sabri, secrétaire d’État en charge de l’emploi, a ouvert la porte à des discussions approfondies sur la mise en œuvre d’un tel accord au Maroc. Une initiative saluée par Atle Høie, secrétaire général d’IndustriAll, qui considère qu’un tel pas marquerait un tournant majeur pour l’industrie marocaine.
Mais, la réussite d’un tel accord repose sur plusieurs prérequis : l’implication des marques internationales, l’engagement des industriels marocains à revoir leurs priorités et un soutien législatif clair de la part des autorités.
Si le textile marocain aspire à conserver sa place de leader régional et à répondre aux exigences des marchés mondiaux, il devra impérativement se conformer aux normes sociales et de sécurité attendues aujourd’hui. Le développement durable, la traçabilité des produits et les droits des travailleurs ne sont plus des options, mais des impératifs dictés par une consommation plus éthique et par les régulations internationales.
L’AMITH souligne que le secteur dispose d’atouts indéniables pour réussir cette transition : des partenariats solides avec l’Europe, une main-d’œuvre qualifiée et une volonté politique grandissante pour structurer la filière. Le débat national annoncé sur la sécurité des ouvriers, en réunissant toutes les parties prenantes, pourrait ainsi servir de levier pour enclencher une véritable dynamique de modernisation.
En conjuguant ses réussites économiques à des réformes structurelles ambitieuses, le Maroc a l’occasion de positionner son industrie textile comme un modèle régional alliant compétitivité et respect des normes internationales. Mais, la route est encore longue, et chaque acteur – des donneurs d’ordre aux fabricants, en passant par les autorités – devra assumer ses responsabilités pour éviter que les ouvriers ne payent à nouveau le prix de l’indifférence.
Le textile marocain a franchi un cap en devenant une référence sur les marchés européens. Il est désormais temps de franchir un autre cap, celui de l’humanisation des lieux de travail, pour que le succès économique rime enfin avec dignité et sécurité.
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