Chaque été, des milliers de jeunes Marocains se lancent dans l’aventure du travail saisonnier. Derrière les sourires des serveurs et l’effervescence des stations balnéaires, se dessine une réalité complexe, faite d’espoirs et de désillusions.
Youssef, 20 ans, étudiant en sciences économiques à Rabat, a trouvé son premier emploi l’été dernier comme serveur dans un café d’Agadir. « C’était intense, mais j’ai appris énormément », confie-t-il. « En trois mois, j’ai gagné de quoi payer mes frais universitaires et même économiser un peu”. Son histoire n’est pas unique : chaque année, des milliers de jeunes comme lui rejoignent les rangs des saisonniers.
Avec l’arrivée des beaux jours, une véritable transformation s’opère dans les villes touristiques marocaines. Agadir, Marrakech, Tanger, Essaouira ou Saïdia voient leur population doubler, voire tripler. Cette affluence massive crée une demande explosive en main-d’œuvre : serveurs, cuisiniers, réceptionnistes, agents d’entretien, animateurs, sauveteurs… Les profils recherchés sont variés, mais tous ont en commun la capacité à répondre à l’urgence estivale.
Loin des plages dorées, dans les campagnes marocaines, c’est un autre type d’effervescence qui s’empare des exploitations agricoles. Les récoltes estivales – fruits, légumes, vendanges – mobilisent une armée de travailleurs temporaires. Ces emplois exigent une résistance physique à toute épreuve, sous des températures parfois extrêmes, pour une rémunération qui reste modeste. Pourtant, ils demeurent un pilier économique essentiel pour de nombreuses familles rurales.
Mehdi, tout juste bachelier, a décidé de troquer ses livres contre un tablier de serveur le temps d’un été. « Mes parents n’ont pas les moyens de financer mes études supérieures« , raconte-t-il. « Ce job me permet de mettre de l’argent de côté et surtout de découvrir le monde du travail”. Comme lui, de nombreux jeunes voient dans l’emploi saisonnier une porte d’entrée vers l’indépendance financière.
Cette accessibilité, qui ne nécessite souvent aucun diplôme particulier, attire massivement les 18-25 ans. Pour certains, c’est un moyen de financer des vacances ou des projets personnels. Pour d’autres, c’est une première expérience professionnelle précieuse qui peut déboucher sur un emploi permanent.
Mais derrière cette façade d’opportunités se cachent des réalités moins reluisantes. Amina, qui a travaillé comme femme de chambre dans un hôtel de Marrakech, témoigne : « Pas de contrat, des journées de 12 heures sans pause, et un salaire en dessous du minimum légal. Quand j’ai voulu me plaindre, on m’a dit que je pouvais partir si je n’étais pas contente”.
Les abus sont monnaie courante dans ce secteur : absence de protection sociale, non-respect du salaire minimum, journées à rallonge sans repos hebdomadaire. De nombreux saisonniers évoluent dans une zone grise, sans protection juridique, rendant leur situation particulièrement vulnérable.
Les métiers saisonniers représentent aujourd’hui une bouée économique indispensable, tant pour les entreprises que pour les travailleurs. Ils offrent des opportunités réelles à des milliers de personnes, souvent jeunes ou sans emploi, tout en répondant aux besoins urgents des secteurs en tension.
Mais cette dynamique repose sur une précarité persistante qu’il devient urgent d’encadrer. Car derrière chaque sourire de serveur ou chaque champ ensoleillé, se cache une réalité humaine qu’on ne peut plus ignorer. L’enjeu est désormais de transformer cette économie saisonnière en véritable tremplin social, sans sacrifier sa flexibilité ni son accessibilité. Un défi de taille pour les années à venir.
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