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on - Sep 9 -
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En 2024, le Sénégal se trouve à un carrefour décisif de son histoire, confronté à des défis sociopolitiques majeurs tels que la corruption, les inégalités et la quête d'une gouvernance plus transparente et vertueuse. Dans ce contexte, l'héritage de Thierno Souleymane Baal, figure emblématique du XVIIIe siècle, résonne avec une actualité troublante.
Thierno Souleymane Baal, révolutionnaire et homme de foi, a su unir son peuple autour des principes d'égalité et de justice, renversant un régime oppressif pour établir un État théocratique éclairé. Son approche visionnaire de la gouvernance, fondée sur la transparence et la responsabilité, offre des leçons précieuses pour la nouvelle classe politique sénégalaise.
Plus que jamais ; Le « Jub, Jubaal, Jubanti » (droiture, probité et exemplarité, prôné par le président Bassirou Diomaye Faye, prend tout son sens.
L'année 2024 marque le 248ᵉ anniversaire de la révolution du Fouta et met en lumière l'idéologie de Thierno Souleymane Baal. Comme un clin d'œil du destin, le cinéma Pathé Dakar a présenté, le mardi 3 septembre 2024, en avant-première le docu-fiction intitulé « 1776 : Thierno Souleymane Baal et la révolution du Fouta », réalisé par Moe Sow. Un film retraçant la vie et les actions de ce héros du XVIIIᵉ siècle, symbole de liberté et de justice au Fouta. Une cérémonie qui s'est déroulée sous la présence effective du Premier ministre Ousmane Sonko et d'éminentes personnalités politiques et culturelles.
Thierno Souleymane Baal, également connu sous le nom de Ceerno Sileymani Baal, est une figure emblématique du XVIIIe siècle incarnant la dualité d'un imam et d'un chef de guerre. Né vers 1720 dans le royaume du Fouta Toro, qui s'étend du nord du Sénégal au sud de la Mauritanie, il a reçu une formation érudite entre le Fouta Djallon, la Mauritanie et la région de Pire (Thiès). Souleymane Baal est souvent considéré comme un conquérant et un grand homme politique, notamment pour sa contribution à l'émergence de la démocratie et à la promotion de l'égalité. À une époque où le Fouta Toro était déchiré par des guerres civiles entre les princes dieyankhobé, descendants de Koli Tengala, il se démarque comme un phare d'espoir. La dynastie Satigui, qui avait régné pendant des siècles, était affaiblie par la corruption et l'alliance avec des esclavagistes occidentaux, tout en étant en conflit avec les Maures du Trarza, qui prospéraient grâce à la traite des esclaves.
C'est dans ce contexte chaotique qu'émerge la Révolution Torodo de 1776, sous l'impulsion de Thierno Souleymane Baal. S'appuyant sur les principes de la loi islamique, il mobilise des chefs de guerre et des érudits musulmans, principalement venus du Boundou. Ensemble, ils renversent la dynastie Satigui, établissant un État théocratique marqué par l'abolition de l'esclavage et du système des castes. Les Maures et les Européens sont chassés, et le Fouta Toro renaît sous une nouvelle gouvernance. Sur une période de 114 ans, trente-quatre almamy (dirigeants) ont exercé leur fonction au sein de l'Almamya. Leur élection a été effectuée par les membres du parlement, qui représentaient les citoyens des sept provinces du Fouta à l'époque : Bosséa, Nguénar, Toro, Laaw, Halaybé, Damga et Yirlaabé.
L'Almamy Thierno Souleymane ne se contente pas de conquérir ; il institue également une Constitution, connue sous le nom de Constitution de l'Almamiyat. Cette charte novatrice stipule que « l'impôt, le produit des amendes et tous les revenus de l'État doivent être utilisés pour des actions d'intérêt général ». Ainsi, il jette les bases d'un régime politique fondé sur l'égalité et la démocratie, anticipant des principes qui résonnent encore aujourd'hui.
En juillet 2022, à l'occasion d'un meeting politique dans le Fouta (nord du Sénégal), Ousmane Sonko, à l'époque chef de l'opposition politique sénégalaise et actuel Premier ministre, avait invoqué le modèle de gestion démocratique et transparente prôné par Thierno Souleymane Baal, « Nous sommes ici dans la ville natale de Thierno Souleymane Baal, à l'origine de la révolution Torodo. Parmi les dix recommandations qu'il avait donné, il avait insisté sur les critères de sélection de l'almamy. Il avait insisté sur le choix d'un homme vertueux, qui aime son pays. Un dirigeant qui évite le népotisme et l'enrichissement illicite. À défaut, il avait recommandé de le destituer par la force si nécessaire… Une fois au pouvoir, et avec la majorité à l'Assemblée nationale, nous nous inspirerons du modèle de Thierno Souleymane Baal pour instaurer une gouvernance démocratique et transparente », avait promis Ousmane Sonko face à des milliers de militants du parti Pastef.
Le leader du parti Pastef avait même qualifié le guide religieux de pionnier car il avait entamé la révolution Torodo en 1776, bien avant la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1789. En effet, le guide religieux et politicien confirmé avait laissé une série de recommandations essentielles pour assurer une gouvernance juste et équitable.
D'après Thierno Souleymane Baal, il est essentiel de sélectionner un almamy (dirigeant) désintéressé, sans ambitions personnelles. Et, en cas d'enrichissement personnel, ce leader devait être démis et ses biens confisqués. Si ce dernier refuse de partir, il devait être destitué par la force et banni. Il est également important de le remplacer par une personne compétente, indépendamment de ses origines, tout en veillant à ce que l'almamiyat ne soit jamais héréditaire et que seuls ceux qui méritent ce titre soient intronisés. Des éléments de références primordiaux dans un contexte sous lequel certains pays africains notamment sont déstabilisés par la dictature, le népotisme, le détournement des deniers publics et une justice à deux vitesses.
Seulement, Thierno Souleymane Baal n'était pas uniquement un homme politique et un chef de guerre, mais aussi un leader religieux profondément engagé dans la promotion des valeurs islamiques. En tant qu'almamy, il a intégré sa foi dans sa vision de la gouvernance, prônant une société fondée sur les principes de justice, d'égalité et de responsabilité morale. Sa lutte contre la corruption et l'oppression n'était pas seulement un combat politique, mais aussi un appel à un retour aux valeurs spirituelles, à une pratique authentique de l'islam qui refuse la recherche d'enrichissement personnel au détriment de la communauté. Son héritage perdure en tant que symbole d'une gouvernance inspirée par la foi, faisant de lui un précurseur des idéaux de justice sociale et de bonne gouvernance dans le monde musulman.
Thierno Souleymane Baal perdit la vie en 1776 lors d'une bataille contre les Maures. Son lieutenant, l'almamy Abdou Kader Kane, poursuivra son œuvre et continuera à faire vivre la dynastie Torodo jusqu'à l'arrivée de la colonisation au XIXe siècle. Ainsi, Thierno Souleymane Baal demeure une figure atypique, alliant religion, politique et révolution, dont l'héritage continue d'inspirer les nouvelles générations.
Mouhamadou Moustapha Gaye.