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Au Maroc, le déploiement des systèmes de surveillance urbaine se heurte à un dilemme de fond, celui de concilier l’impératif sécuritaire avec le respect des libertés individuelles. En l’absence d’un cadre institutionnel intégré, la coordination entre les acteurs, la mobilisation des ressources et l’équité territoriale restent inachevées, a souligné une récente étude de l’Institut Marocain d’Analyse des Politiques (MIPA).
Au cours de la dernière décennie, le Maroc a entamé une transformation numérique progressive de ses institutions, notamment dans le secteur de la sécurité. La Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) a joué un rôle de premier plan en adoptant, dès 2015, un plan quinquennal ambitieux (2022-2026) visant à renforcer la surveillance urbaine par l’usage croissant de caméras intelligentes.
Ce dispositif, d’après une étude récente menée par le chercheur Monsif Beroual et publiée par MIPA, s’inscrit dans la stratégie nationale « Maroc Digital à l’horizon 2030 », qui promeut une intégration accrue des technologies de l’information dans les services publics.
Cette orientation repose sur trois objectifs majeurs, dont le renforcement de la lutte contre la criminalité urbaine, le soulagement des ressources humaines du secteur sécuritaire et la modernisation de l’appareil de sécurité grâce à l’intelligence artificielle.
Depuis 2020, la DGSN a introduit un système d’identité biométrique numérique et, en 2024, a signé un protocole avec le ministère de la Justice pour la centralisation et l’échange instantané des données, dans une logique d’efficacité et de réactivité policière, a rappelé la même source.
Selon l’étude, les premiers résultats sont tangibles. A Casablanca, le centre de commandement et de coordination a recensé, en 2023, près de 130.000 cas suspects grâce aux caméras, dont plus de 44.500 ont débouché sur des infractions avérées. Néanmoins, plus de 85.000 cas sont restés sans suite, soulignant les limites d’un système encore en phase d’expérimentation.
D’une autre part, plusieurs obstacles freinent l’implémentation généralisée de la surveillance intelligente, malgré les efforts déployés, a déploré le chercheur. Il a en ce sens cité une coordination institutionnelle insuffisante, la faiblesse des mécanismes pérennes de pilotage, ainsi que les inégalités territoriales dans l’accès à ces technologies. L’absence d’un organe transversal de gouvernance freine notamment la synergie entre les acteurs impliqués et compromet l’efficience des investissements.
En parallèle, les priorités de l’agenda numérique national, centré sur les services publics, les start-up, les talents digitaux ou encore la couverture Internet, laissent peu de place à des projets coûteux comme les réseaux de vidéosurveillance, encore tributaires de budgets limités.
S’ajoute à cela le flou juridique entourant ces systèmes de surveillance et qui constitue l’un des défis les plus urgents. La loi 08-09 sur la protection des données personnelles, bien qu’ayant permis la création de la CNDP, n’est plus adaptée aux réalités actuelles. Elle ne couvre ni les technologies d’intelligence artificielle ni les garanties constitutionnelles de 2011, et exclut explicitement les activités sécuritaires de son champ d’intervention.
Cette lacune ouvre ainsi la voie à des usages non régulés de technologies sensibles, au détriment du droit à la vie privée des citoyens. Le Maroc pourrait s’inspirer du modèle français, où la CNIL a vu ses pouvoirs renforcés, ou adopter une charte urbaine définissant les usages autorisés des caméras intelligentes, a suggéré le chercheur.
Il a notamment expliqué que la volonté du Maroc de recourir à des outils numériques pour renforcer la sécurité urbaine est légitime, mais elle doit s’accompagner d’une vision institutionnelle globale. Cela implique une réforme juridique pour encadrer le traitement des données sensibles, une gouvernance partagée entre les ministères concernés, et un financement équitable, garant d’une application uniforme sur l’ensemble du territoire.
Sans ces ajustements, le pays risque de reproduire les dérives constatées ailleurs, notamment aux Etats-Unis, où des systèmes de reconnaissance faciale biaisés ont mené à des arrestations discriminatoires, tandis qu’en Europe, certaines technologies ont été utilisées pour cibler des minorités ethniques, avec des conséquences sociales graves. Par conséquent, le Maroc doit trouver un équilibre juste et transparent, la modernisation des dispositifs sécuritaires à travers l’intelligence artificielle devant s’inscrire dans un cadre institutionnel cohérent, respectueux des libertés individuelles.
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