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on - Sep 11 -
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Depuis lundi 8 septembre 2025, la quasi-totalité des entreprises privées chargées de la collecte des déchets dans l’agglomération dakaroise ont rangé les camions. Le motif de cet arrêt réside dans des arriérés évalués à près de 15 milliards de F CFA et des engagements étatiques non tenus. Le collectif des concessionnaires a officialisé un arrêt de travail « illimité », confirmant une paralysie qui touche déjà plus de 80–90 % du dispositif de ramassage, selon plusieurs sources
Payer les dettes, sécuriser les contrats
Au cœur du bras de fer, la liquidation de plusieurs mois d’impayés dont une partie remonte à 2024, et la demande de garanties sur la régularité des paiements à venir. Les concessionnaires disent ne plus pouvoir assumer carburant, salaires et maintenance sans visibilité financière, rappelant que des promesses de règlement au 31 mars 2025 étaient restées lettre morte. L’État, via la SONAGED SA, avait bien publié des communications ponctuelles, mais le front des entreprises affirme n’avoir reçu aucune solution pérenne. Les concessionnaires exigent le règlement immédiat des factures impayées et la mise en place d’un calendrier de paiement fiable. Sans trésorerie, ils ne peuvent plus payer. Cette fois, le mot d’ordre est clair : « pas de collecte sans paiement ». Derrière ce bras de fer se joue la survie d’un secteur déjà fragilisé
Chaque jour sans collecte signifie des milliers de tonnes d’ordures ménagères qui s’accumulent partout. À très court terme, l’insalubrité augmente les risques sanitaires (prolifération de vecteurs, brûlages à l’air libre). Quand la chaîne collecte-transport-déversement se grippe, les « dépotoirs sauvages » se multiplient, compliquant ensuite le retour à la normale. L’inefficience de la collecte favorise l’essaimage de points noirs et dégrade l’environnement immédiat.
Le spectre des dépotoirs sauvages
En 2019, dans le cadre du programme « Sénégal Zéro Déchet », l’Unité de Coordination de la Gestion des Déchets Solides (UCG) a piloté, dès 2020, l’implantation de ces Points de Groupement Normalisés (PRN), qui depuis lors, ont été intégrés au projet plus large PROMOGED (Projet de Promotion de la Gestion Intégrée et de l’Économie des Déchets Solides), lancé en 2021 avec l’appui de la Banque mondiale, de l’AFD, de l’AECID et de la BEI
Le PROMOGED visait la construction de plus de 250 PRN à travers sept régions, dont 63 dans la région de Dakar, afin d’offrir aux populations des infrastructures de proximité pour le dépôt des ordures, avec un impact positif sur l’emploi via la supervision locale. Plusieurs quartiers de Dakar bénéficiaient ainsi, d’une avancée concrète en matière de propreté. Les PRN, ces enclos semi-fermés permettaient de déposer les déchets dans des bacs surveillés et triés. Une solution pour endiguer les dépôts sauvages. Ce qui semblait être un progrès concret vers une gestion durable des déchets pourrait bien devenir un leurre si l’État ne parvient pas à résoudre rapidement le conflit avec les concessionnaires et à relancer les tournées de ramassage.
Une grève des concessionnaires ramènerait à créer des dépôts sauvages. Ces foyers, difficiles à éradiquer, annuleront l’effort de « normalisation » des points de regroupement, outils utiles, mais inopérants si la rotation des bennes est à l’arrêt. Alors que ces PRN sont une lueur d’espoir dans un système souvent défaillant, la grève des concessionnaires du nettoiement déclenchée pour des arriérés de paiement, fait peser une menace réelle sur cette dynamique. Sans vidage régulier des bacs, les points de collecte risquent rapidement d’être submergés, annulant le bénéfice de leur installation.
Quid de Mbeubeuss ?
Même si la grève porte d’abord sur la collecte, l’aval du système, c’est-à-dire la décharge de Mbeubeuss (qui dit-on est en transition vers une réhabilitation) reste un maillon sensible. Le moindre engorgement en amont se traduit par des apports irréguliers, des files de camions au portail et des déversements incontrôlés ailleurs. Le gouvernement avait annoncé, au premier semestre 2025, un virage « historique » relative à sa fermeture progressive, une réhabilitation et une modernisation du site. Mais ces chantiers structurels ne dispensent pas d’un exercice courant et fiable des services quotidiens. Et puis, comment parler de transition écologique quand le premier maillon c’est-à-dire, la collecte, s’effondre ?
Une équation politique et sociale
La collecte d’ordures n’est pas un « service caché ». Sa panne se voit, se sent, et s’entend. Elle teste la crédibilité des engagements publics et la confiance des ménages. Cette grève-signal, déclenchée le 8 septembre, rappelle que la transition annoncée vers une gestion durable des déchets ne survivra pas à des à-coups budgétaires. Sans continuité financière, les camions restent au dépôt, les bacs débordent, et la ville se défait par ses marges, ses caniveaux, ses places. À l’heure où Mbeubeuss doit changer de visage, c’est la chaîne entière qui exige un contrat clair : payer à temps pour collecter à temps.
Et les pluies amplifient les dégâts
Si la grève perdure, avec les pluies, la crise prendra un tour inquiétant. Les amoncellements d’ordures se mêleraient aux torrents d’eau. Les déchets seront charriés vers les canaux pluviaux et finiront leur course on ne sait où. Dans la baie de Hann. Qui sait ?
La grève des concessionnaires dépasse la simple question de salaires ou de factures. Elle révèle une crise de gouvernance urbaine. Dakar, vitrine du pays, se transforme en cloaque au moment même où le discours officiel promet une « capitale verte et moderne ».
Si la situation perdure, les conséquences sanitaires et environnementales risquent d’être irréversibles. Et les pluies, au lieu de laver la ville, la submergeront d’un flot de déchets, offrant l’image d’une métropole impuissante.
La crise actuelle prouve que les réformes structurelles, aussi ambitieuses soient-elles, ne serviront à rien sans une gestion budgétaire rigoureuse et des paiements réguliers. Faute de quoi, la capitale sera condamnée à revivre périodiquement ce cycle d’ordures et de paralysie. Si la situation perdure, les conséquences sanitaires et environnementales risquent d’être irréversibles.
Et à Dakar, s’il ne pleut plus seulement de l’eau, mais aussi des ordures, personne ne s’y habituera sans y perdre sa santé et son avenir.
Henriette Niang Kandé
L’article Grève des concessionnaires du nettoiement : les urgences de la gestion des Déchets est apparu en premier sur Sud Quotidien.