Dans son rapport d’activités de l’année 2021, l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) a vidé l’affaire sur des faits supposés de conflit d’intérêts, de corruption et de violation du Code des Marchés publics contre le Groupe Auchan, l’entreprise Setam, la mairie et le Conseil départemental de Mbour, relativement à la procédure ayant abouti à l’implantation du magasin Auchan.
L’organe de contrôle rappelle, d’emblée, avoir été saisi d’une plainte, le 22 novembre 2017, par le sieur Ibou Niang, membre du conseil d’administration du Forum Civil et coordonnateur départemental de la Section sénégalaise de Transparency International de Mbour.
Sept personnes entendues
Dans sa requête, ce dernier a fait savoir que le Conseil départemental, par délibération, a octroyé une partie du stade Caroline Faye au groupe Auchan et que cette délibération dit-il, adoptée par 35 conseillers sur 100, n’a pas été approuvée par le Préfet, de même que les conventions liant le géant français au Conseil départemental et au Conseil municipal. M. Niang a, en outre, souligné que le Groupe Auchan a viré 50 millions de F Cfa dans le compte de l’entrepreneur gérant de la société Seta, lequel est en même temps conseiller départemental, alors que ces fonds appartiennent à la Commune de Mbour.
Au cours de son enquête, sept (07) personnes ont été entendues par l‘Ofnac. Il s’agit des responsables du Groupe Auchan, des membres du mouvement « Initiative pour le développement de Mbour » appelé également « Mbour Justice », des responsables de sociétés impliquées dans les marchés de réalisation des infrastructures, du chef du Service finance et du maire de la commune de Mbour, du Président du conseil départemental de Mbour. Le chef du Centre des services fiscaux et le chef de la Division gestion et contentieux de la Direction des grandes entreprises (Dge) ont communiqué le dossier fiscal unique en réponse à la réquisition de l’Office, selon lequel, une visite ainsi que des prises de vue sur les trois chantiers ont été effectuées.
« Il ressort de l’enquête que, dans le cadre de l’affectation de l’assiette foncière du stade Caroline Faye, le Conseil départemental de Mbour a respecté les procédures idoines et que son attribution au groupe Auchan s’est faite sous les conditions définies dans les conventions entre ledit Conseil, la mairie de Mbour et Auchan », a écrit l’Office. Qui relève, également, que dans la mise en œuvre de ces conventions, « le Groupe Auchan a respecté ses engagements, notamment ceux relatifs à la réalisation d’ouvrages municipaux. Pour sa part, il revenait à la Mairie de Mbour de poursuivre les travaux d’aménagement de la devanture du stade ».
Toutefois, selon l’organe de contrôle, « l’attribution du marché sans mise en concurrence préalable, à Abdou Salam Ndiaye, gérant de Setam en même temps conseiller départemental et frère de la conseillère municipale, Oumy Sylla Ndiaye, fait ressortir des indices de favoritisme ».
«Présomptions de corruption active et passive »
S’agissant, d’autre part, de la construction et de l’exploitation d’un centre commercial dans l’emprise du jardin public, il a relevé « des indices de présomption de faux et usage de faux portant sur un document administratif sont relevés contre le Maire de Mbour, Monsieur El Hadji Fallou Sylla ».
A en croire toujours les contrôleurs, la procédure employée pour l’octroi de ce site est irrégulière car le Conseil municipal ne s’est pas réuni pour délibérer sur cette question même si le maire a exhibé un extrait de délibération. « Ces faits lui ont valu une condamnation de deux ans dont trois mois ferme pour le délit de faux et usage de faux dans un document administratif, suite à un jugement rendu le 03 février 2020 par le Tribunal de grande instance de Mbour », a d’ailleurs tenu à rappeler l’Ofnac.
Mais en application du principe non bis in idem, ledit office dit ne peut en tirer une conclusion tendant à saisir à nouveau des mêmes faits l’autorité chargée des poursuites.
« Par ailleurs, pour n’avoir pas recouru à un appel à concurrence relativement au projet de l’établissement Ndatté Dieng, le maire a violé, d’une part, les règles de procédure prévues par le Code des marchés publics, et d’autre part, la loi portant Code des obligations de l’administration. Il en est de même pour les travaux de l’aménagement de la devanture du stade et pour la première étape de la construction des ‘’3 C’’ », lit-on dans ledit rapport.
En définitive, au terme des investigations, l’Ofnac dit avoir constaté « des fautes de gestion » à l’encontre du maire et du président du Conseil départemental, notamment pour « absence de mise en concurrence ; violation manifeste de toute la procédure relative à un contrat devant lier une collectivité publique à un privé ; absence de délibération du Conseil municipal ou du Conseil départemental sur l’octroi du site à une entreprise privée ; conduite des procédures sans l’implication des structures internes telles que la cellule de passation des marchés ».
L’Ofnac a fait savoir, dans son document, que « ces différents manquements pourraient constituer des présomptions de corruption active et passive prévues et punies par l’article 159 du Code pénal ».