" "
Posted by - support -
on - 5 hours ago -
Filed in - Society -
-
6 Views - 0 Comments - 0 Likes - 0 Reviews
La Constitution a été rédigée sans tenir compte des réalités du citoyen sénégalais. C’est l’avis du Pr Alioune Badara Diop. Pour lui, le Sénégal s’est contenté de copier la France, et c’est pourquoi elle est en déphasage avec les réalités du pays. Une analyse que Aïssata Tall Sall ne partage pas.
Par Malick GAYE – A chaque alternance, le nouveau régime vient avec un projet de changement de la Constitution. Une attitude qui pousse à s’interroger sur les réels objectifs des gouvernants en proposant de nouvelles lois. Pour le professeur Alioune Badara Diop de l’Ucad, le problème majeur du Sénégal réside dans le fait de se doter d’une constitution importée. «Quand on pense la démocratie sénégalaise, il y a des éléments constitutifs précieux qu’on aurait pu inscrire dans la thèse, et qui ne l’ont pas été. Il y a ce que j’appelle les impensées de la démocratie sénégalaise. Au moment de la construction de la démocratie, il y a 3 éléments que les pères fondateurs n’ont pas pensés», a-t-il diagnostiqué samedi passé, lors de la cérémonie de présentation des livres Le Sénégal, une démocratie de Sisyphe et Les intellectuels sénégalais dans la marche vers la première alternance de Dr Yoro Dia, publiés chez Harmattan. «Il s’agit, premièrement, de la théorie normative. La démocratie va être codifiée sur quelle base ? Qu’est-ce que nous attendons de notre vouloir vivre ensemble ? Pour une société politique, quelles sont les conditions sine qua non ? C’est cela qu’on appelle la théorie normative. Si on regarde la Constitution depuis 1960, elle est écrite par les juristes qui ignorent la sociologie, l’anthropologie, parfois les réalités culturelles, l’économie et la géographie. Ce qu’il faut pour corriger cela au moment de réécrire la Constitution, associer toutes les disciplines pour codifier ces éléments qui vont pacifier l’ordre politique», a ajouté le professeur. Un conseil que Me Aïssata Tall Sall ne semble pas disposée à appliquer. «Le débat que le professeur pose, est aussi vieux que le monde. Est-ce que vous pensez qu’en France, les rédacteurs de la Constitution n’avaient pas posé les mêmes problèmes sociologiques, historiques, identitaires ? C’est un éternel débat entre l’universalisme et le particurialisme. Vous croyez que les rédacteurs de la Constitution sénégalaise ont recopié à la virgule près la Constitution française ? Non ! En lisant, vous voyez des références historiques, sociologiques, culturelles du Sénégal, et même de l’Afrique», a dit l’ancienne ministre de la Justice. Qui est «dans une posture philosophique» que le professeur Alioune Badara Diop semble dépasser. «Est-ce que la démocratie peut s’accommoder d’un éternel recommencement ? La réponse est non ! L’enjeu est de bâtir quelque chose de stable, de pérenne. L’institution est une structure stabilisée d’interaction normative qui est juridiquement codifiée. L’idée d’institution, c’est l’idée de stabilité, pas l’idée d’éternel recommencement. Il faut que nous pensions d’un référentiel consensuel, ce qui va sauvegarder notre ordre constitutionnel. Le problème du Sénégal, c’est que les gens ont pensé la protection juridique de l’ordre constitutionnel, mais ils n’ont pas pensé à l’inverse», a diagnostiqué le professeur. «Sisyphe ne se contente jamais de ce qu’il observe. Sisyphe est cette personne qui pousse son rocher et une fois qu’il pense arriver au bout, il voit la pierre redescendre, et il faut recommencer. Est-ce que nos démocraties sont ainsi ? Oui, heureusement, parce que le propre d’une démocratie, c’est qu’elle ne peut pas être figée», a répondu Me Aïssata Tall Sall. Avant d’ajouter ceci : «Nous devons accepter avec plaisir d’être le Sisyphe de cette démocratie, de pousser cette roche, de penser qu’elle va toujours arriver à bout, de remarquer qu’elle n’y arrive pas, et d’avoir encore l’absolu plaisir de recommencer. C’est du grand art. C’est un défi que vous lancez à tous les politiques, intellectuels du Sénégal de continuer à se pencher sur notre système. Le jour où on ne le fera plus, c’en est terminé de nous.»
Pour le Pr Alioune Badara Diop, «le citoyen sénégalais n’a pas été pensé dans notre démocratie. Notre théorie normative n’est pas claire. Un peuple qui veut construire un ordre politique doit penser par lui-même les règles qui codifient le jeu politique. S’il importe des normes étrangères à son historicité, il se condamne à aller droit dans le mur».
«La classe politique, depuis 2000, à 80%, est pervertie moralement»
Par ailleurs, Pr Diop a lancé une pique à la classe politique sénégalaise. Il croit savoir que «depuis 2000, il y a beaucoup de corruption.
Si on interroge l’histoire, est-ce que nos grands-parents n’étaient pas moralement des gens éthiques, qui avaient du scrupule à toucher l’argent public ?
Je pense que la classe politique, depuis 2000, à 80%, est pervertie moralement». Une affirmation qui n’a pas fait beaucoup d’heureux lors de la cérémonie de présentation des livres du Dr Yoro Dia. Invité à appliquer la rigueur scientifique qu’il enseigne à ses étudiants, Pr Alioune Badara Diop a expliqué avoir compilé tous les scandales financiers impliquant les titulaires de charges lourdes, et que les statistiques ne sont pas loin du chiffre qu’il a mentionné. «Tous les politiques ne sont pas corrompus. On va accepter que ce que le professeur a dit n’est pas faux, mais ce n’est pas tout à fait vrai. Est-ce que nos grands-pères étaient beaucoup plus vertueux que nous ? Peut-être que oui, peut être que non. Est-ce que nos grands-pères étaient dans les mêmes conditions et circonstances que nous ? Toutes choses égales par ailleurs, il faut faire les bonnes comparaisons», a répondu Me Aïssata Tall Sall.
mgaye@lequotidien.sn
L’article Pr Alioune Badara Diop sur le changement perpétuel de la Constitution : «Un peuple qui veut construire un ordre politique doit penser par lui-même les règles qui codifient le jeu politique» est apparu en premier sur Lequotidien - Journal d'information Générale.