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Entre 2020 et 2024, le Sénégal a poursuivi la consolidation de son réseau d’Aires Marines Protégées (Amp) en alignant ses efforts sur les objectifs internationaux, tels que la Convention sur la diversité biologique et l’Objectif d’Aichi 11, ainsi que sur sa stratégie nationale pour les aires protégées. Dans ce contexte, les Amp de Gandoul, sur la Petite Côte, et de Bamboung, dans le delta du Saloum, offrent un terrain d’analyse pertinent pour évaluer l’efficacité des politiques de conservation ainsi que leur impact socio-économique local. Cette évaluation s’est appuyée sur plusieurs sources : les Indicateurs de Management Effectif des Territoires (Imet) ont permis de mesurer la gouvernance, la surveillance et les résultats écologiques ; des enquêtes de terrain ont recueilli les expériences des comités de gestion, des pêcheurs et des femmes transformatrices de poisson, entre 2016 et 2023 ; enfin, les données sur l’évolution des revenus issus de l’écotourisme, de la pêche et des activités génératrices de revenus (Agr) ont complété l’analyse. La comparaison entre les deux AMP révèle des dynamiques contrastées. Bamboung, créé dès 2004, constitue un modèle pionnier de gestion communautaire ; son comité intègre pêcheurs, femmes et autorités traditionnelles, même si les tensions entre une gouvernance étatique plus directive et une approche participative persistent. Gandoul, à l’inverse, présente une gouvernance plus centralisée, avec une faible participation des communautés. Les comités locaux souffrent d’immobilisme, avec des réunions peu régulières et une sous-représentation des femmes et des jeunes, ce qui limite leur efficacité. Sur le plan écologique, Bamboung affiche des résultats probants. La biomasse de poissons y a augmenté de 60% entre 2003 et 2007, avec le retour d’espèces menacées comme le thiof et le barracuda. Par ailleurs, des projets de replantation de mangroves ont contribué à freiner l’érosion côtière. À Gandoul, les pressions anthropiques — surpêche, pollution — ainsi que les effets du changement climatique freinent la régénération des écosystèmes, donnant des résultats mitigés.Les retombées socio-économiques différencient également ces AMP. Bamboung bénéficie du développement d’un écotourisme dynamique, notamment via le campement Keur Bamboung qui génère des emplois locaux et favorise la vente de produits artisanaux. La création d’activités génératrices de revenus, comme la transformation du poisson et l’aquaculture durable, participe aussi à l’autonomie économique des communautés. Gandoul connaît plutôt des conflits d’usage entre pêcheurs artisans et industriels et reste fortement dépendante des financements externes, ce qui fragilise la pérennité des projets. Plusieurs défis subsistent, notamment la dualité de gouvernance avec un chevauchement des rôles entre l’État et les comités locaux, des financements insuffisants pour assurer la surveillance et le suivi écologique, ainsi que l’aggravation des risques liés au changement climatique, avec l’avancée des zones salées stériles (« tannes ») et l’érosion des côtes. Le tableau synthétique des performances de 2020 à 2024 confirme ces constats : Bamboung se distingue par une gouvernance participative malgré des défis, une forte amélioration des stocks halieutiques, un développement local dynamique et des projets efficaces de résilience climatique. Gandoul est marqué par une gouvernance centralisée, des progrès écologiques limités, des tensions locales et une grande vulnérabilité aux risques climatiques. Pour la période 2024-2030, plusieurs recommandations stratégiques ressortent afin d’améliorer la gestion des AMP. Il est essentiel de renforcer la gouvernance participative en professionnalisant les comités de gestion par des formations en gestion de projet et en résolution des conflits, tout en intégrant davantage les femmes et les jeunes dans les processus décisionnels. La sécurisation des financements doit passer par la diversification des sources, notamment via des fonds de dotation ou les paiements pour services écosystémiques, ainsi que par l’intégration des Amp dans les programmes nationaux de développement durable. La résilience climatique gagnerait à être améliorée grâce à l’extension des projets de restauration des mangroves et de récifs artificiels, ainsi qu’au développement de systèmes d’alerte précoce face aux événements climatiques extrêmes. Enfin, la coopération régionale doit être renforcée par la création d’un réseau d’AMP transfrontalières (Sénégal-Gambie-Guinée Bissau) pour une gestion écosystémique intégrée.En somme, les Amp de Bamboung et Gandoul ont montré des trajectoires divergentes sur la période étudiée. Bamboung incarne les bénéfices d’une gestion communautaire active, tandis que Gandoul met en lumière les limites d’une gouvernance trop centralisée. Cette expérience confirme que le succès des AMP dépend moins des facteurs environnementaux que de l’inclusion sociale, d’un financement durable et d’une coordination efficiente entre acteurs locaux et nationaux. Pour atteindre son objectif ambitieux de protéger 30% de ses zones marines d’ici 2030, le Sénégal doit capitaliser sur les réussites de Bamboung tout en comblant les fragilités observées à Gandoul.
Samba Niébé BA
L’article Stratégie de gestion des aires marines protégées élaborée entre 2020 et 2024 est apparu en premier sur Sud Quotidien.