Derrière les murs austères de la prison d’El Harrach, l’écrivain algérien-français Boualem Sansal brise le silence imposé par le régime en adressant une lettre bouleversante au peuple algérien et à la communauté internationale. Dans ce message, relayé par des militants et largement partagé sur les réseaux sociaux, l’auteur de Le Village de l’Allemand dénonce “la dictature” et “la machine à broyer les êtres humains” qui caractériseraient, selon lui, le système politique en Algérie.
Sansal, 75 ans, condamné en mars dernier à cinq ans de prison ferme et à une amende, affirme que son “seul crime” est de croire au pouvoir des mots pour “sauver la patrie de la corruption et de la violence”. Arrêté en novembre 2024 à son arrivée à l’aéroport d’Alger, il est poursuivi pour “atteinte à l’unité, à la sécurité et à la stabilité du pays” à la suite de propos accordés à un média français. Le parquet avait initialement requis dix ans de réclusion. Ce verdict a provoqué une onde de choc internationale, suscitant des appels à sa libération émanant d’écrivains, d’intellectuels et de dirigeants politiques, dont le président français Emmanuel Macron, préoccupés par ses conditions de détention et son état de santé fragile.
Dans sa missive, l’écrivain décrit les conditions de détention qu’il subit : “Je vous écris depuis une cellule où l’air se fait rare, où la lumière n’entre que pour rappeler aux prisonniers qu’ils sont encore en vie, mais jamais libres”. Il dénonce l’usage de l’incarcération comme instrument ordinaire de gouvernance : “La dictature emprisonne comme on respire : sans effort, sans honte. On enferme journalistes, militants, écrivains… et parfois même ceux qui n’ont rien dit, juste pour servir d’exemple”.
Pour Sansal, persister à croire en la force de la parole est devenu un acte de résistance : “L’Algérie n’est pas seulement un drapeau et un hymne, c’est un peuple qui mérite dignité et justice. J’ai refusé de voir l’Histoire se répéter et la corruption continuer à régner”. Malgré la maladie qui affaiblit son corps, il assure que sa voix “ne leur appartient pas” et que “la façade de respectabilité” affichée par les autorités n’est qu’une illusion.
Sans détour, l’écrivain interpelle la France, qu’il qualifie de “second pays” et de “refuge intellectuel” : “Vous qui vous proclamez patrie des droits de l’Homme, souvenez-vous que ces droits ne s’arrêtent pas aux rives de la Méditerranée. Ne sacrifiez pas vos valeurs sur l’autel des intérêts économiques ou des alliances de circonstance.” Il exhorte Paris à ne pas céder face à un régime “qui se croit au-dessus des lois”, avertissant que “demain, d’autres prisons se rempliront et d’autres voix s’éteindront” si la communauté internationale reste passive.
À ses compatriotes, Sansal adresse un message de courage : “La peur est une prison plus vaste que celle où je me trouve, et plus difficile à briser. Mais je sais qu’un jour, le mur tombera, car les dictateurs finissent toujours par chuter”. Il conclut sur une promesse : “Je continuerai à écrire, même si mes feuilles restent cachées sous le matelas. L’écriture est la seule liberté qu’ils ne peuvent confisquer”.
L’affaire Boualem Sansal s’inscrit dans un contexte politique tendu en Algérie, où les organisations de défense des droits humains dénoncent régulièrement la répression à l’encontre des voix critiques. Le sort de l’écrivain, déjà salué pour son œuvre littéraire traduite dans de nombreuses langues, est désormais devenu un symbole de la lutte pour la liberté d’expression au Maghreb.
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