Dans un contexte de dialogue social suspendu et marqué par des tensions entre les syndicats et les autorités, le projet de loi organique n° 97.15, qui vise à encadrer l’exercice du droit de grève, suscite un débat intense au Maroc.
Si ce texte ambitionne de clarifier les conditions d’exercice de ce droit constitutionnel, il se heurte à une mosaïque d’opinions divergentes, notamment parmi les syndicats et pour certains aux partis auxquels “they belong“. Dans un long communiqué en date du jeudi 28 novembre, le groupe socialiste (USFP) ou de l’Union socialiste des forces populaires qui se dit défendre toujours les doléances justes de la classe ouvrière marocaine au Parlement, a ainsi dévoilé quelques amendements pertinents, quant à cela.
La Fédération Démocratique du Travail (FDT), affiliée à l’USFP, a particulièrement exprimé son désaccord sur certains aspects, soulignant les lacunes du texte. Voici une analyse des aspects controversés et des arguments en faveur de modifications, tout en resituant cette dynamique dans son cadre social.
Aspects controversés : un texte perçu comme restrictif
- Une durée de préavis jugée excessive
- Le projet impose un préavis de 30 jours avant de pouvoir entamer une grève, une exigence jugée disproportionnée par les syndicats, notamment la FDT. Ce délai, selon eux, limite la réactivité face à des situations d’urgence, comme des violations flagrantes des droits des travailleurs ou des conditions de travail mettant leur sécurité en péril.
- L’exclusion de certains travailleurs
- Une critique majeure porte sur le périmètre d’application du texte. Actuellement, il se limite aux salariés régis par le Code du travail, laissant de côté les travailleurs indépendants, domestiques ou issus des professions libérales, qui, bien que confrontés à des défis similaires, sont exclus du droit de grève.
- De lourdes procédures bureaucratiques
- Le projet impose une formalisation stricte de l’organisation des grèves, obligeant les syndicats à détailler un préavis contenant les motifs, la durée prévue et les lieux concernés, tout en notifiant les employeurs et les autorités compétentes. Cette exigence est perçue comme une tentative de dissuader l’exercice de ce droit.
- Un encadrement ambigu des grèves sectorielles
- Certaines formes de grèves, comme les grèves de solidarité ou en alternance, ne sont pas reconnues, ce qui limite la capacité des syndicats à mobiliser efficacement.
- Une ambiguïté sur la répression indirecte
- Le projet de loi demeure ambigu sur les éventuelles sanctions que les employeurs pourraient mettre en œuvre, telles que le licenciement masqué, des pratiques de harcèlement ou le recours à d’autres employés pour remplacer les grévistes. Cette absence de garanties claires compromet la protection juridique des travailleurs en grève.
Face à ces controverses, la Fédération Démocratique du Travail, en phase avec l’USFP, ainsi que d’autres syndicats, plaident pour des ajustements majeurs afin de garantir un équilibre entre la protection des droits des travailleurs et les impératifs économiques.
Vers des révisions nécessaires : Plaidoyer pour un cadre plus inclusif
- Réduire le préavis
- Les syndicats réclament une réduction du délai de préavis à cinq jours maximum, comme le recommandent les normes internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT). Cette mesure vise à garantir une flexibilité suffisante pour répondre rapidement aux urgences sociales.
- Inclure tous les travailleurs
- Les organisations, notamment la FDT, insistent sur l’élargissement du champ d’application du texte à tous les travailleurs, y compris les indépendants, les professions libérales et les travailleurs domestiques. Selon eux, le droit de grève est universel et ne devrait pas être limité à certaines catégories professionnelles.
- Simplifier les procédures
- La formalisation des grèves doit être simplifiée. Les syndicats proposent de remplacer le préavis détaillé par une simple notification, sans imposer une lourde bureaucratie qui pourrait retarder l’action.
- Reconnaître toutes les formes de grève
- La FDT appelle à l’inclusion des grèves de solidarité, des grèves tournantes ou des ralentissements productifs comme moyens d’expression légitimes. Ces formes alternatives sont des outils efficaces pour attirer l’attention sur des revendications spécifiques.
- Renforcer les garanties pour les grévistes
- Il est crucial d’intégrer dans le texte des dispositions claires interdisant toute mesure punitive ou discriminatoire contre les grévistes, comme les licenciements abusifs, la suspension de salaires ou le harcèlement moral.
- Associer les partenaires sociaux
- Une consultation plus large est demandée, impliquant les syndicats les plus représentatifs et les autres acteurs de la société civile. Le droit de grève, en tant que projet sociétal, doit refléter les intérêts de l’ensemble des parties concernées.
- Contexte et implications : un dialogue social en veilleuse
Le débat autour du projet de loi n° 97.15 reflète l’état du dialogue social au Maroc, actuellement dans une phase de latence. Bien que le gouvernement ait promis d’intégrer les syndicats dans la discussion, les négociations semblent au point mort, nourrissant un climat de défiance entre les partis. Chaque syndicat, à l’instar de la FDT, adopte sa propre posture, mettant en avant des revendications parfois divergentes.
Dans ce contexte, le projet de loi apparaît comme un terrain d’affrontement entre un exécutif cherchant à sécuriser l’ordre social et des syndicats défendant bec et ongles un droit constitutionnel. L’issue de ce débat conditionnera non seulement l’évolution des droits des travailleurs au Maroc, mais également la crédibilité du dialogue social en tant qu’outil de cohésion nationale.
Le projet de loi organique sur le droit de grève, bien qu’essentiel pour encadrer une pratique complexe, cristallise les tensions sociales. Pour parvenir à un consensus, il est impératif de répondre aux inquiétudes des syndicats, notamment en particulier les restrictions perçues comme excessives et en adoptant une approche plus inclusive. Ce chantier, à mi-chemin entre réforme juridique et débat sociétal, pourrait devenir une pierre angulaire de la modernisation des relations professionnelles au Maroc.
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