J’ai pu voir mon ami Moustapha Diakhaté, qui est placé en garde-à-vue à la police depuis. Il m’est apparu serein, coriace et aguerri face à l’épreuve. Je l’ai trouvé en bonne forme et j’avoue être soulagé, après notre discussion, qu’il ait accepté d’adopter ma nouvelle posture, celle de garder le silence.
Son franc-parler n’a pas fini de lui causer des déboires, depuis le régime du Président Abdou Diouf et je demeure convaincu qu’il l’emportera dans sa dernière demeure, le plus tard possible, s’il plaît à Dieu.
Je ne doute pas qu’il retrouvera très vite les siens, parce que l’on ne saurait reprocher indéfiniment à un citoyen d’exprimer son opinion, de se soucier de l’avenir de la Nation à laquelle il appartient et qu’il a choisi de servir, quoi qu’il lui en coûte.
Moustapha Diakhaté est fait d’un seul bloc : celui de la franchise, de la loyauté, d’un amour immodéré pour son pays, du respect des valeurs humanistes, de la République et des sacro-saints principes démocratiques.
C’est ce que nous partageons en commun.
Pour ma part, je lui ai suggéré l’attitude que je décide d’adopter. Les électeurs sénégalais ayant décidé, le 17 novembre 2024, de voter massivement pour la liste de Pastef et confier les pleins pouvoirs à Ousmane Sonko, je me donne un temps d’observation au moins le temps d’un semestre tout en silence, pour savoir où tout ceci va nous mener.
De toutes manières, avec la majorité mécanique que le peuple sénégalais vient de leur octroyer au Parlement, ils auront le loisir de montrer ce qu’ils sauront faire de ce beau pays. Ousmane Sonko et son régime pourront faire adopter toutes les réformes qu’ils voudront, le peuple sénégalais, qui leur a donné tous les armes et leviers, s’en accommodera. J’exhorte les nouveaux députés de l’opposition à adopter la même attitude du silence. En effet, chercher à faire barrage à leurs velléités sera chercher à arrêter la mer avec ses bras. Quoi que vous diriez, ils feront ce qu’ils voudront. Votez leurs textes ou, à tout le moins, abstenez-vous lors du vote et dans les débats. Toute autre attitude équivaudra à une certaine légitimation de leur pouvoir autocratique. Les Sénégalais mesureront par eux-mêmes l’ampleur de leur méprise. On respecte certes le choix des électeurs même si nous avons la conviction qu’ils se sont trompés et qu’ils le réaliseront fatalement. « Le temps est le seul juge », disait un certain François-Marie Arouet, célèbre écrivain sous la plume de Voltaire.
Je dois souligner que j’ai également trouvé totalement injuste qu’on veuille dénier à Moustapha Diakhaté le droit de critiquer des adversaires politiques alors que ceux-là mêmes insultent copieusement leurs soi-disant contempteurs. Son arrestation, pour reprendre le mot de Me El Hadji Amadou Sall, un de ses avocats, « est une prise d’otage avec une demande de rançon, qui est de l’obliger à fermer sa bouche ».
Nous décidons de payer solidairement la rançon ; c’est, encore une fois, par notre silence.
Assurément, qu’un Moustapha Diakhaté disparaisse de la scène politique ne manquerait pas d’enchanter quelques personnes. Nous n’avons pas vocation de devenir des martyrs mais plutôt nous espérons faire partie, comme Moustapha Diakhaté, de ceux qui se feront le devoir de s’évertuer à consoler notre peuple abusé. Le peuple sénégalais aura certainement besoin de nous. Soyons prêts à servir la démocratie. Nous ferons notre bilan, nous pencherons sur nos stratégies, nos faiblesses et nos forces, réfléchirons aux offres que nous ne manquerons pas de présenter à l’occasion des futures échéances électorales.
C’est tout le sens de notre engagement. Au demeurant, nous resterons stoïques, sourds, muets et aveugles face aux provocations qui ne manqueront guère.
En attendant, je vais en revenir à Voltaire pour faire comme son personnage, Candide : « cultiver mon jardin ». J’entends consacrer les six prochains mois à la production littéraire et au spectacle des matchs de football.
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