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La population carcérale au Maroc a franchi un nouveau seuil, atteignant 105.000 détenus à la fin d’octobre dernier, soit une hausse de près de 2.000 personnes par rapport à l’année précédente, où le nombre se situait à 103.302. Selon Mohamed Salah Tamek, Délégué Général à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion (DGAPR), cette augmentation « reflète une tendance qui ne cesse de s’accentuer et confirme des projections statistiques montrant une progression constante de cette population« .
Devant la Commission de Justice, de Législation et des Droits de l’Homme, lors de la présentation du budget de la DGAPR, Tamek a insisté sur la gravité de cette évolution : « La population carcérale a bondi de plus des deux tiers au cours des 15 dernières années, et de près de la moitié au cours de la dernière décennie, illustrant une trajectoire inquiétante qui pourrait aboutir à des niveaux de surpopulation bien au-delà de la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires« .
Malgré les efforts de la DGAPR pour étendre ses capacités, Tamek a averti que ces initiatives seules ne suffisent pas à contenir l’afflux des détenus. « Nous en sommes arrivés là malgré les efforts de la Délégation Générale pour augmenter sa capacité d’accueil et son appel constant à des mesures parallèles concrètes et efficaces pour atténuer cette problématique et ses impacts négatifs sur les programmes de sécurité et de réhabilitation, ainsi que l’épuisement des agents« , a-t-il précisé, soulignant l’urgence de solutions alternatives.
C’est dans ce contexte que Tamek a évoqué la loi de finances pour 2025, qui s’inscrit dans une dynamique législative innovante visant à réformer le système pénal. Parmi les avancées majeures, la récente loi 43.22 sur les peines alternatives se distingue. Tamek la qualifie de « jalon dans la réforme du système pénal marocain, offrant des alternatives aux peines de prison pour alléger la pression sur les établissements carcéraux et faciliter la réinsertion des condamnés« .
Cependant, Tamek met en garde en notant que « la réalisation de ces objectifs n’est ni automatique ni évidente« . La réussite de cette réforme, précise-t-il, dépend non seulement de la réduction de la criminalité et de l’efficacité des politiques de prévention, mais surtout de la mise en place de conditions propices à l’application de la loi et à l’efficacité de ces sanctions en termes de réhabilitation.
Il a également relevé que, bien que certaines expériences internationales aient donné des résultats contrastés, ces modèles peuvent inspirer des adaptations locales. « Certaines expériences, en France, Pologne, Turquie, et aux États-Unis, montrent qu’une hausse des peines alternatives n’entraîne pas forcément une baisse du taux d’incarcération« .
Devant la Commission de Justice, de Législation et des Droits de l’Homme, Tamek a rappelé que l’impact de cette loi dépendra en grande partie de l’acceptabilité sociétale de cette approche. « Tous les acteurs devront s’engager avec audace pour sa mise en œuvre, en adhérant aux principes de la justice pénale et en mobilisant les ressources disponibles pour une approche pénale flexible, équilibrant protection de la société et application humaine de la loi« , a-t-il ajouté.
Parallèlement à la loi sur les peines alternatives, la promulgation de la loi 23-10 régissant les établissements pénitentiaires est venue remplacer l’ancienne loi 98-23, inscrivant le Maroc dans une perspective de respect des droits des détenus. Cette réforme, selon Tamek, vise à créer des conditions de détention dignes et à renforcer les droits des détenus, tout en poursuivant les missions de sécurité et de réhabilitation.
En dépit de ces avancées, la pression croissante sur les établissements pénitentiaires appelle des moyens supplémentaires. « Le recrutement de ressources humaines qualifiées est crucial pour suivre ces évolutions législatives et mettre en œuvre les programmes de réforme de la Délégation Générale« , a affirmé Tamek, insistant également sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires, un sujet pour lequel il dit avoir reçu le soutien du Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. Toutefois, il a souligné que les agents de ce secteur restent soumis à des contraintes uniques, notamment l’interdiction de toute activité syndicale en raison de leur statut de sécurité intérieure.
Tamek a terminé en exprimant son espoir de voir ces efforts aboutir avec l’adoption d’un statut équitable pour les agents pénitentiaires, en adéquation avec les autres secteurs de sécurité. Selon lui, cela constituerait une reconnaissance pour ces professionnels engagés dans un environnement exigeant et souvent dangereux, exacerbée par la surpopulation carcérale et le manque de ressources adéquates.
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