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Alors que le président malien Assimi Goïta scelle à Moscou une série d’accords stratégiques avec Vladimir Poutine, la montée en puissance du partenariat russo-malien dans la région du Sahel fragilise les ambitions régionales de l’Algérie. Ce rapprochement institutionnalisé, marqué par le retrait du groupe Wagner au profit d’une présence militaire officielle russe, redessine les équilibres au détriment d’Alger, de plus en plus isolée sur la scène sahélienne.
Le président russe Vladimir Poutine a tenu, lundi dernier à Moscou, des pourparlers officiels avec le chef de la transition au Mali, le général Assimi Goïta, dans le cadre d’une visite officielle destinée à approfondir les relations bilatérales. Cette rencontre marque un tournant qualitatif dans la coopération entre les deux pays, qui passe d’un cadre militaire informel à une collaboration institutionnalisée englobant plusieurs domaines.
Dans un communiqué officiel, la présidence malienne a indiqué que cette visite s’inscrit dans le cadre du renforcement de la coopération entre le Mali et la Russie, soulignant la signature d’une série d’accords dans les domaines de la défense, de l’énergie, du commerce, des ressources naturelles et de la logistique.
Dans des déclarations rapportées par l’agence russe TASS, Vladimir Poutine a reconnu que le volume des échanges commerciaux reste limité, tout en insistant sur la dynamique positive et les perspectives prometteuses de coopération. Il a mis en avant la solidité des liens traditionnels entre Moscou et Bamako à plusieurs niveaux, aussi bien gouvernementaux que parlementaires, réaffirmant l’engagement de la Russie à développer ce dialogue à l’avenir.
Cette visite intervient environ trois ans après l’entrée du Groupe militaire privée russe Wagner sur le territoire malien. Ce groupe, qui a récemment annoncé son retrait total du pays, a été remplacé par le « Corps africain » relevant du ministère russe de la Défense, ce qui marque un passage du statut semi-officiel à une présence pleinement assumée.
Des observateurs estiment que cette évolution traduit la volonté de Moscou de s’imposer comme un acteur central dans une région du Sahel en proie à une insécurité croissante depuis 2012, alimentée par des groupes armés affiliés à Al-Qaïda et à Daech, ainsi que par des factions rebelles. Les dernières semaines ont d’ailleurs connu une recrudescence d’attaques contre les forces maliennes, notamment dans les zones reculées où le contrôle étatique demeure précaire.
Ce nouveau positionnement malien, désormais institutionnalisé, pourrait déstabiliser les calculs de l’Algérie, qui a toujours considéré le Mali comme une extension naturelle de sa sphère stratégique, notamment sur les plans sécuritaire et politique. L’élargissement de l’influence russe à travers Bamako suscite des interrogations à Alger quant à l’avenir de son partenariat stratégique avec Moscou, d’autant plus que le Kremlin adopte une posture ambiguë sur les équilibres régionaux.
Les décideurs algériens redoutent aujourd’hui de perdre leur statut d’acteur central dans les dynamiques sahéliennes, alors que la Russie comble progressivement le vide laissé par la France et consolide ses positions en Afrique.
Pour Abdelouahab El Kain, président de l’ONG Africa Watch, les bouleversements politico-militaires au Sahel, notamment au Mali, marquent la fin d’une ère et l’émergence d’un nouvel ordre régional, tout en révélant l’échec des modèles européens qui, pendant des décennies, ont monopolisé la région sans y instaurer une réelle stabilité.
Dans des déclarations accordées à Hespress, il explique que le Mali et la région du Sahel ont longtemps servi de laboratoires aux interventions françaises et européennes, souvent caractérisées par leur duplicité et leur inefficacité, d’autant plus que la position américaine s’est affaiblie. Ce contexte a laissé le champ libre à des ingérences extérieures qui ont négligé la souveraineté des États et affaibli leurs institutions, nourrissant ainsi les rébellions, notamment les mouvements touaregs et séparatistes du nord du Mali.
El Kain, également vice-coordinateur de la coalition des ONG sahraouies, souligne que l’effondrement de l’État libyen et l’afflux d’armes et de combattants ont permis au Mouvement national de libération de l’Azawad de contrôler de vastes territoires, avant que ceux-ci ne tombent aux mains de groupes jihadistes. Cela a conduit à l’intervention militaire française à travers l’opération Serval, puis Barkhane et enfin la force Takuba, sans que ces initiatives ne parviennent à éradiquer le terrorisme ou à stabiliser la région.
Il pointe du doigt l’absence d’une réelle coopération avec les acteurs locaux et la marginalisation des volontés populaires comme principales causes de cet échec. La création du G5 Sahel, bien qu’appuyée par la communauté internationale, a échoué à cause notamment des coups d’État de 2020 et 2021 au Mali et de la rupture progressive avec les partenaires européens.
Pour El Kain, le véritable tournant a été la décision des autorités maliennes de se tourner vers Moscou et de conclure des accords inédits avec la Russie, mettant fin de facto à toute tentative de perpétuer une logique de dépendance. Le retrait de Wagner et son remplacement par le « Corps africain » illustre cette évolution vers une coopération institutionnelle, scellée par des accords majeurs lors de la visite du colonel Goïta à Moscou.
Le président de Africa Watch note que ce rapprochement russo-malien suscite une inquiétude croissante en Algérie, désormais marginalisée dans la recomposition en cours au Sahel, en dépit de ses efforts répétés pour jouer le rôle d’acteur régional. Alger a tenté, sans succès, d’imposer une sorte d’axe maghrébo-sahélien sous sa direction, mais s’est heurtée au scepticisme des pays voisins.
Cette situation a aggravé les tensions entre Bamako et Alger, illustrées par la fermeture de l’espace aérien et le rappel des ambassadeurs. Aux yeux d’El Kain, cela révèle une crise profonde de la stratégie algérienne dans la région. « Les autorités algériennes fonctionnent encore avec une mentalité de guerre froide, misant sur des interventions discrètes, l’armement et le financement de groupes séparatistes au Sahel comme dans les camps de Tindouf, dans le but de nuire au Maroc et de freiner sa présence continentale », fait-il observer.
Il est d’avis aussi que la solidarité naissante entre pays sahéliens, comme le montrent les initiatives du Burkina Faso et du Niger, consacre la fin de la logique de tutelle au profit de nouvelles formes de coopération fondées sur le respect mutuel. Les récents accords entre Moscou et Bamako, incluant l’énergie nucléaire, le commerce et la logistique, symbolisent cette rupture après quatre ans de repositionnement malien loin de la France et de l’Algérie.
Et de conclure que l’expansion du partenariat russe au Sahel, le recul français et l’émergence d’un nouveau pôle dirigé par les autorités issues des transitions marquent une menace existentielle pour le régime algérien, déjà affaibli par des crises internes profondes. Cette dynamique pourrait raviver des dossiers sensibles comme la question kabyle, la situation à Tindouf ou encore l’isolement croissant d’Alger sur la question du Sahara marocain.
Mina Laghzal, coordinatrice de la coalition des ONG sahraouies, estime, de son côté, que le recentrage stratégique de la Russie vers l’Afrique, et en particulier le Sahel, n’est pas un choix opportuniste mais une nécessité découlant des transformations géopolitiques liées au conflit russo-ukrainien. Moscou cherche à rompre son isolement occidental en investissant dans de nouveaux espaces d’influence.
Dans une déclaration à Hespress, Laghzal souligne que cette stratégie n’est pas seulement diplomatique, mais aussi concrète, avec un soutien actif aux régimes issus des coups d’État populaires au Sahel, contre les anciens systèmes alignés sur la France. Cela a renforcé la présence militaire russe en tant qu’alternative crédible au retrait français et au manque d’unité entre Européens et dirigeants sahéliens.
Elle affirme que l’image de la Russie, non entachée par un passé colonial en Afrique, en fait un partenaire privilégié pour de nombreux pays exaspérés par les ingérences occidentales répétées, souvent justifiées par la lutte contre le terrorisme mais motivées par des logiques de domination.
Contrairement aux puissances occidentales, la Russie a, selon Laghzal, fait preuve de souplesse sur le terrain et de coopération directe avec les armées locales, notamment au Mali, à travers l’échange de renseignements et de données issues de drones. Cela a renforcé la confiance des autorités maliennes envers Moscou, perçue comme un partenaire sécuritaire fiable.
La coordinatrice de la coalition des ONG sahraouies souligne que ces évolutions déplaisent à l’Algérie, qui comptait sur son influence au Sahel en soutenant des groupes séparatistes sur le sol malien, une politique que Bamako considère désormais comme hostile. Le soutien russe à l’unité malienne et sa lutte contre les groupes sécessionnistes écartent Alger de tout processus de coordination sécuritaire pertinent, ce qui fragilise son image d’« puissance régionale majeure ».
Selon elle, les accords russo-maliens couvrant des domaines sensibles comme l’énergie, l’exploration géologique, les ressources naturelles ou la logistique constituent un basculement stratégique à double effet : ils stabilisent les régimes de transition et affaiblissent les velléités algériennes de domination.
Laghzal estime que cette rivalité asymétrique avec la Russie pourrait aboutir à des tensions diplomatiques, notamment parce que l’Algérie refuse une présence sécuritaire russe dans des zones frontalières qu’elle considère historiquement comme relevant de sa sphère d’influence. Toutefois, le nouveau contexte oblige Alger à revoir sa stratégie fondée sur le soutien aux mouvements séparatistes et à réévaluer ses positions vis-à-vis de ses voisins si elle veut maintenir un minimum d’équilibre régional.
Elle conclut que les mutations en cours dans le Sahel redessinent les équilibres géopolitiques. Si l’Algérie persiste à ignorer les besoins de sécurité et de stabilité de ses voisins et continue de s’enfermer dans des paris perdants contre l’intégrité territoriale du Maroc, son isolement régional risque de s’aggraver, surtout face à une dynamique africaine fondée sur la souveraineté, la complémentarité et le respect mutuel.
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