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Langue d’enseignement et de travail, le français est censé ouvrir les portes de la connaissance et de l’emploi. Pourtant, au Sénégal, il devient de plus en plus un obstacle. De l’école à l’entreprise, les lacunes linguistiques freinent la compréhension, la performance et l’inclusion. La session 2025 du Baccalauréat en a encore donné une illustration frappante.
Les résultats décevants du premier tour du Baccalauréat 2025 ont surpris plus d’un, surtout dans les séries générales. Pourtant, plusieurs candidats interrogés à la sortie des épreuves en philosophie, français et histoire-géographie, ont affirmé que « les sujets étaient abordables ». Ce paradoxe relance un constat inquiétant : même quand les thèmes sont accessibles, la langue, elle, reste un mur.
À l’école, cette réalité est quotidienne. Les enseignants sont confrontés à des élèves qui peinent à lire une consigne, à formuler une réponse claire, ou à structurer une pensée. Les copies sont truffées de fautes, les rédactions confuses, les échanges oraux hésitants. Le français, censé transmettre le savoir, devient une barrière cognitive.
Une langue apprise, rarement maîtrisée
Le problème est structurel. Dans la majorité des cas, les élèves apprennent le français comme une seconde langue, voire une troisième ou quatrième, après leur langue maternelle. Mais le système éducatif persiste à l’enseigner comme s’il s’agissait d’une langue naturelle. Résultat : les bases ne sont pas acquises et les écarts se creusent d’année en année.
Les causes sont multiples : des programmes lourds, peu contextualisés, déconnectés de la réalité linguistique des apprenants ; un déficit de formation des enseignants, souvent mal préparés à une pédagogie adaptée au plurilinguisme ; un environnement familial non francophone, qui ne permet pas de prolonger l’apprentissage à la maison. La fracture linguistique ne fait ainsi que renforcer les inégalités scolaires et compromettre les parcours éducatifs.
Quand l’école prépare au malentendu professionnel
Cette crise ne s’arrête pas aux portes de l’école. Dans le monde du travail, elle prend des formes plus discrètes, mais non moins préoccupantes : des courriels mal rédigés qui prêtent à confusion ; des réunions où le message se perd entre approximations et non-dits ; des instructions mal comprises, source d’erreurs et de retards.
Par peur du jugement, beaucoup préfèrent se taire que d’admettre qu’ils n’ont pas compris. Le fameux « je me débrouille » est devenu un mécanisme de défense courant, mais coûteux. Les entreprises, elles, ferment souvent les yeux. Tant que les tâches sont accomplies, peu s’interrogent sur les pertes liées à une communication inefficace.
Que faire face à cette crise silencieuse ? D’abord, reconnaître que le français n’est pas une langue innée pour la majorité des Sénégalais. Il faut cesser de traiter cette langue comme un acquis universel. Cela suppose : une réforme pédagogique centrée sur le français comme deuxième langue ; une meilleure intégration des langues nationales dans les premières années d’enseignement ; une formation renforcée des enseignants au multilinguisme.
Dans le monde professionnel, des efforts peuvent aussi être faits : offrir des formations continues en expression écrite et orale ; encourager les échanges clairs et la reformulation ; valoriser les efforts plutôt que sanctionner les erreurs.
L’ouverture d’ un débat national sur la question serait-elle la voie indiquée pour dégager des pistes de solutions. Ne pas maîtriser la langue d’enseignement et de travail, c’est limiter sa capacité à penser, à agir et à s’élever. Ce handicap linguistique mérite un débat national à la hauteur de ses conséquences. Car une jeunesse privée des mots est une jeunesse privée d’avenir. Et une nation qui ne transmet plus la langue du savoir est une nation qui compromet sa propre transmission.
SAMBA NIEBE BA
L’article Manque de maitrise du français : un handicap scolaire et professionnel : quand la langue devient un frein à la réussite ! est apparu en premier sur Sud Quotidien.