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Depuis plusieurs mois, le débat public sénégalais semble confisqué par les procédures judiciaires. Convocation, garde à vue, déférement, retour de parquet, mandat de dépôt, mandat d’arrêt, interdiction de sortie du territoire, liberté provisoire, contrôle judiciaire, appel du parquet, bracelet électronique… Ce vocabulaire technique, qui devrait rester cantonné au langage des prétoires, a envahi le quotidien des citoyens. La presse, qu’elle soit écrite, audiovisuelle ou numérique, en fait ses gros titres. L’opinion publique s’en nourrit chaque jour. Comme si l’avenir du Sénégal se jouait exclusivement entre Commissariats, Brigades, Parquets et Prisons. Une atmosphère où la politique se réduit à la répression pénale. Dans ce vacarme judiciaire, un silence interpelle : celui des autres ministres de la République. Qui a entendu le ministre de la Santé dialoguer avec les malades et les praticiens ? Le ministre de l’Agriculture avec les paysans et les acteurs de la chaîne de valeur ? Le ministre de l’Éducation avec les enseignants et les élèves ? Le ministre de l’Intérieur sur la politique sécuritaire etc.… ?
La République donne l’image d’un gouvernement où seule la voix du parquet domine, tandis que les autres acteurs institutionnels se taisent. Or, une gouvernance républicaine ne peut se réduire à une seule dimension. Elle doit embrasser l’ensemble des préoccupations sociales, économiques et culturelles du pays. Dès lors, une interrogation légitime traverse l’opinion : cherchons-nous à consolider l’État de droit, à affirmer l’indépendance de la justice et rétablir la réalité du droit ? Ou assistons-nous une revanche politique qui serait accréditée par la justice ? Une justice qui inspire confiance ne doit pas apparaître comme l’instrument d’un camp. Sa mission est de protéger les droits de la défense, de garantir l’équité et de préserver la paix sociale. À force d’occuper tout l’espace médiatique et politique, elle court le risque d’être perçue moins comme une institution impartiale que comme l’outil d’un règlement de comptes.
La communication d’un État ne saurait être dominée par la seule actualité judiciaire. La République a besoin d’une parole plurielle, où la justice dit le droit, mais où les ministres expliquent, rassurent, proposent et construisent. Gouverner, ce n’est pas transformer la justice en spectacle permanent ; c’est apporter des réponses aux urgences sociales, ouvrir des perspectives économiques et nourrir une espérance collective. Le Sénégal mérite un État complet et équilibré :
– Une justice indépendante et crédible ;
– Des ministres présents et responsables, capables de parler aux citoyens et d’agir pour eux ;
– Une gouvernance républicaine plurielle, garante de la démocratie et de la confiance publique.
Car une République qui ne parle que par ses parquets finit par fragiliser l’un des baromètres de sa démocratie. Mais une République qui conjugue droit, action politique et vision collective, se renforce et prépare l’avenir.
El Amath THIAM,
Juriste Consultant
L’article Quand la république parle uniquement le langage judiciaire : une atmosphère saturée par le judiciaire. est apparu en premier sur Sud Quotidien.